fêter un anniversaire est une façon de partager l

February 23, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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2 5 R M LC Antonio

LeS 21 000

Guide

JouRS de

et GARdien

dAnieL BARnoLA

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AnnÉe de LA FÉMiS

ÉMAiLLeuR

FÊTER UN ANNIVERSAIRE EST UNE FAÇON DE PARTAGER L'EXPÉRIENCE DU PASSAGE DU TEMPS. Au moment où les travaux de rénovation de l’immeuble du 25 rue Michel Le Comte se terminent, plutôt que d’évoquer

en racontant la vie de ce bâtiment où nous nous sommes installés en 1992, mais dont on connaît l’existence

les 25 années qui viennent de s’écouler depuis la création de Pelléas en mars 1990,

depuis la fin du XVème siècle. Voilà plus de 500 ans que des gens vivent

partageons d’une autre façon cette expérience du temps qui passe

et travaillent là, et ce sont quelques unes de ces vies qui seront évoquées ici.

25 RMLC

Numéro 1 Décembre 2015

2015 RÉPARER LES VIVANTS

BEYROUTH HOTEL

de Katell Quillévéré

(téléfilm ARTE) de Danielle Arbid

LA PRUNELLE DE MES YEUX

2010

d'Axelle Ropert

DE VRAIS MENSONGES

L’OPÉRA DE PARIS

de Pierre Salvadori

de Jean-Stéphane Bron

LES MALHEURS DE SOPHIE

DES FILLES EN NOIR de Jean Paul Civeyrac

de Christophe Honoré

CLEVELAND PEUR DE RIEN de Danielle Arbid

CONTRE WALL STREET un documentaire

DIAMANT NOIR

de Jean-Stéphane Bron

d’Arthur Harari

2014 MON AMIE VICTORIA de Jean Paul Civeyrac

MÉTAMORPHOSES de Christophe Honoré

COMMISSARIAT un documentaire d’Ilan Klipper et Virgil Vernier

2009 LE PÈRE DE MES ENFANTS de Mia Hansen-Løve

L’ARMÉE DU SALUT d’Abdellah Taïa

LA FAMILLE WOLBERG d’Axelle Ropert

DANS LA COUR de Pierre Salvadori

TRADERS un documentaire TV

L’EXPÉRIENCE

de Jean-Stéphane Bron

BLOCHER de Jean-Stéphane Bron

LES GRANDES ONDES (À L’ OUEST) de Lionel Baier

PELLÉAS ET MELISANDE, le chant des aveugles de Philippe Béziat

FAIS-MOI PLAISIR ! d’Emmanuel Mouret

UN BEAU DIMANCHE de Nicole Garcia

2013

(production déléguée Moby Dick Films)

2008 CAGES

TIP TOP

d’Olivier

de Serge Bozon

Masset-Depasse (production déléguée

TIREZ LA LANGUE, MADEMOISELLE

Versus Productions)

d’Axelle Ropert

VERSAILLES de Pierre Schoeller

HOLYBUS un documentaire TV

LES GRANDS

de Thibault de

S’ALLONGENT PAR TERRE

Chateauvieux

2012

d’Emmanuel Saget

TRAVIATA ET NOUS

NÉS EN 68

de Philippe Béziat

et Jacques Martineau

ALYAH

2007

d’Elie Wajeman

LA FRANCE

2011

d’Olivier Ducastel

de Serge Bozon

UN AMOUR DE JEUNESSE

TOUT EST PARDONNÉ

de Mia Hansen-Løve

de Mia Hansen-Løve

LET MY PEOPLE GO !

MON FRÈRE SE MARIE

de Mikael Buch

de Jean-Stéphane Bron

NOCES de Philippe Béziat

25 rue Michel Le Comte 75003 Paris

Photographies Laurent Champoussin Texte Philippe Martin

Les Films Pelléas www.lesfilmspelleas.com

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Le tRop GRAnd noMBRe de CARRoSSeS qui StAtionnent Rue MiCheL Le CoMte, L’inSoLenCe deS pAGeS et deS LAquAiS, et enFin LeS MuLtipLeS LARCinS CoMMiS dAnS CeS enCoMBReMentS ConduiSent Le pARLeMent à pRononCeR LA FeRMetuRe du thÉâtRe. Antonio guide et gArdien Pendant presque 20 ans, travailler au 25 rue Michel Le Comte ne revêt aucun caractère particulier, si ce n'est celui de faire quotidiennement le constat d’un délabrement qui n'en finit pas. Assurer l’ eau et l'électricité semble suffire comme entretien de l'immeuble aux propriétaires, 40 personnes d’une même famille qui ne sont d’accord que sur une seule chose : ne rien faire. De 1992 à 2010 seul Antonio le gardien de l’immeuble arrivé en même temps que nous tente de donner un peu d'allure à ce que les propriétaires laissent à l'abandon. Emprunter le passage qui dessert les différentes montées d’escalier donne le ton : les fils électriques pendent, les interrupteurs sont aux normes des installations de l'après-guerre, les murs sont noirs, et le reste de peinture bordeaux qui part en lambeaux laisse deviner qu’il y a bien longtemps c'était la couleur du passage. Aucun travail d'aménagement n'est nécessaire quand en 2009 il sert de décor pour un film qui se déroule pendant l'occupation. À partir du début des années 2000 des rumeurs nous parviennent selon lesquelles les propriétaires envisageraient de se séparer de l'immeuble. L'état général est maintenant à un point de non retour, et seule une cession peut les débarrasser de ce fardeau. Antonio nous transmet les quelques informations qui arrivent jusqu'à lui, et pendant 3 ans nous nous demandons quelle sera l'issue de cet interminable feuilleton.

Avec la Mairie de Paris comme nouveau propriétaire, une période d’immobilisme de plus d’un demi-siècle prend fin. On croise de plus en plus souvent de nouvelles têtes dans l’immeuble et Antonio devient le guide de ces visiteurs mystérieux qui, sans lui, auraient bien du mal à se retrouver dans ce méandre de couloirs et de cages d’escaliers.

service de diligences, une blanchisserie, une confiturerie, une conserverie, une chapellerie, un aubergiste et un découpeur de peaux de lapins… Dans les années 20 Le Corbusier avait même proposé de raser entièrement le Marais pour le remplacer par 18 gratte-ciel cruciformes de 200 mètres de hauteur, pouvant loger chacun entre 10 000 et 50 000 personnes ! (L’ entre-deux-guerres ne manquait

Les portes dont lui seul détenait la clé s'ouvrent enfin et commence alors la découverte des appartements vides. Dans quelques appartements il reste des jouets et des lits pour enfants, derniers témoins d’une vie de famille qui se déroulait sans le confort moderne : dans la plupart il n’y a ni salle de bains, ni WC, ce qui interdit toute nouvelle location. D’autres lieux révèlent des activités bien mystérieuses, comme celui où sont encore installés une espèce de chaudière, des cuves et des alambics. Qu’est ce qui se fabriquait ici pour qu'on y ait installé un équipement si spectaculaire ? Un atelier sur cour est toujours en activité, celui où Daniel Barnola fabrique des objets en bois pour ses clients orfèvres. Installé ici en 1948, il ne quittera les lieux que lorsque les travaux l'obligeront à cesser son activité…63 ans plus tard ! Pour resituer la valeur qu’avait alors le Marais, Daniel Barnola explique que s'il y travaillait, il ne lui serait jamais venu à l’idée d'y habiter. Il préfère son quartier de Vincennes, autrement plus sain et moins fréquenté par les rats !

pas de projets inattendus puisque quelques années plus tard il fut même envisagé, grâce à des rampes en béton, d’accéder au deuxième étage de la Tour Eiffel…en voiture !). Bien plus tard, seule une petite partie du Marais fut démolie pour laisser place à un parking, sur lequel sera construit le centre Beaubourg. On doit à Malraux et à une loi de 1962 la protection de tout le quartier.

derrière une porte JeAn-pAul MidAnt

Enfin, il est officiellement question d’une vente : le syndic rachète l’immeuble à l’indivision familiale pour un prix très en dessous du marché. N’ayant jamais fait aucun travaux il est le mieux placé pour savoir que l’immeuble ne tient presque plus debout. Il a déjà trouvé un nouvel acquéreur quand, le dernier jour du délai qui lui est imparti, la Mairie de Paris préempte et contrarie ainsi cette belle opération immobilière.

Dans un classement établi en 1906, la rue Michel Le Comte faisait partie des 16 îlots parisiens insalubres car considérés comme propices aux épidémies, notamment de tuberculose. Seule une destruction des habitations semblait pouvoir remédier à l’ insalubrité chronique de ces vieux bâtiments, hôtels particuliers compris, qui pour la plupart étaient dans un état de délabrement avancé. À titre d’exemple, l’Hôtel de Sens situé dans le quartier Saint Paul était au XVIème siècle la résidence d’une reine de France, Marguerite de Valois - la reine Margot - qui décida dans ces murs du massacre de la Saint Barthélémy. Il hébergea par la suite un

Différents experts visitent ces appartements. Que peut-on bien faire de bâtiments si endommagés, mais dont certaines parties sont protégées ? Un jour où je pousse une porte, ce que je ne manque jamais de faire dès que j’en vois une ouverte, je fais la connaissance de Jean-Paul Midant, historien de la Commission du Vieux Paris – instance incontournable dès qu’il s’agit de faire des travaux dans un immeuble ancien –, chargé par celleci de préparer une étude qui sera une sorte de cahier des charges de ce que l’architecte peut toucher et ce qu’il doit protéger. Il fait l’historique de l’immeuble, et c’est cette histoire qu’il commence à me raconter dans cet appartement désolé qui n’a plus entendu le son d’une voix depuis plusieurs décennies. Cette histoire il la rédigera, et c’est de ce texte que proviennent certaines des informations contenues dans ces lignes.

un Jeune AvocAt proMetteur Dans le Paris de la fin du XVème siècle, un sport connaît un incroyable succès : le jeu de paume. La capitale compte jusqu’à 200 salles où l’on pratique l’ancêtre du tennis. Dans ces mêmes lieux que l’on appelle des tripots, on vient aussi jouer au billard et aux jeux de hasard. En 1480 Jean Descouys, marchand et teinturier de fil de soie est propriétaire du Jeu de Paume de La Fontaine, au 25 rue Michel Le Comte. Le Jeu de Paume de La Fontaine remplit son office tant que ce sport est à la mode, mais la mode passe et au début du XVIIème siècle beaucoup de jeux de paume sont reconvertis en théâtres. Les dimensions d’un jeu de paume, environ 30 mètres sur 10, se prêtent idéalement à des représentations théâtrales, d’autant que trois de ses côtés sont équipés de galeries réservées aux spectateurs, le reste du public pouvant se tenir debout sur l’ancien terrain de jeu. En 1632 Martin de Mahault sous-loue le Jeu de Paume de La Fontaine à un des plus grands comédiens de son époque, Montdory. L’année précédente, lors de représentations à Rouen, Montdory a rencontré un jeune avocat de 23 ans qui lui a fait lire sa première pièce. Montdory décide de la créer à Paris, et c’est impasse Bertaud – à l’angle de la rue Beaubourg et de la rue Rambuteau – que sera créée Mélite, la première pièce de Pierre Corneille. Corneille témoignera de l’accueil réservé à Mélite : « Le succès en fut surprenant, il établit une nouvelle troupe de comédiens à Paris, malgré le mérite de celle qui était en possession de s’y voir l’unique (la troupe de l’Hôtel de Bourgogne). Il égala tout ce qui s’était fait de plus beau jusque-là et me fit connaître à la cour ». Montdory décide alors d’avoir son propre théâtre et s’installe au Jeu de Paume de La Fontaine pour créer les 3 pièces suivantes de Corneille :

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Clitandre ou l’innocence persécutée, La veuve, La galerie du palais ainsi que Le trompeur puni de Georges de Scudéry. Ces pièces rencontrent un tel succès que les riverains portent plainte au parlement contre Montdory. Le trop grand nombre de carrosses qui stationnent rue Michel Le Comte, l’insolence des pages et des laquais, et enfin les multiples larcins commis dans ces encombrements conduisent le parlement à prononcer la fermeture du théâtre. La troupe de Montdory qui s’appelle maintenant La troupe du Marais quitte la rue Michel Le Comte et s’en va à quelques centaines de mètres créer le Théâtre du Marais, toujours dans un jeu de paume. C’est rue Vieille du Temple, là où se trouvent aujourd’hui les jardins de l’Hôtel Salé – le musée Picasso – que seront données les pièces suivantes de Corneille, notamment La Place Royale et le Cid. Le succès des pièces de Corneille ne se dément pas, au point que devant l’afflux du public on prend l’habitude d’installer des chaises là où jouent les comédiens, habitude qui se gardera dans de nombreux théâtres où seront construites des loges de part et d’autre de la scène. Rodrigue est le dernier rôle créée par Montdory, une paralysie de la langue l’empêchera de continuer sa carrière. À cette époque la Troupe du Marais est la seule à concurrencer celle de l’Hôtel de Bourgogne, lieu de création et de représentation officielle du théâtre. Mais en 1643 Molière crée L’Illustre Théâtre qui devient la grande rivale de la troupe du Marais, avant de fusionner avec elle en 1673. Louis XIV ordonne alors à ces deux troupes réunies de rejoindre celle de l’Hôtel de Bourgogne pour donner naissance en 1680 à une nouvelle troupe, la Comédie Française.

25 RMLC

numéro 1 décembre 2015

2006

2001

HORS DE PRIX

LE LAIT DE LA TENDRESSE HUMAINE

de Pierre Salvadori

COMMENT J’AI FÊTÉ LA FIN

de Dominique Cabrera

DU MONDE

LA RÉPÉTITION

de Catalin Mitulescu

de Catherine Corsini

(prod. déléguée Strada Films)

2000 LAISSONS

CABARET PARADIS

LUCIE FAIRE d’Emmanuel Mouret

de Corinne et Gilles Bénizio

LES YEUX FERMÉS

CHANGEMENT D’ADRESSE

d’Olivier Py

d’Emmanuel Mouret

DRÔLE DE FÉLIX

(téléfilm ARTE)

(prod. déléguée

d’Olivier Ducastel

Moby Dick Films)

et Jacques Martineau

2005 PEINDRE OU FAIRE L’AMOUR

LES MARCHANDS DE SABLE de Pierre Salvadori

d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu

LES SOLITAIRES de Jean Paul Civeyrac

VOICI VENU LE TEMPS

1998

d’Alain Guiraudie

…COMME ELLE RESPIRE

À TRAVERS

de Pierre Salvadori

LA FORÊT de Jean Paul Civeyrac

UNE SAISON SIBELIUS (téléfilm Arte) de Mario Fanfani

2004

1997 NI D’EVE NI D’ADAM de Jean Paul Civeyrac

1995 LES APPRENTIS de Pierre Salvadori

VENUS ET FLEUR d’Emmanuel Mouret

FAST

(production déléguée

de Dante Desarthe

Moby Dick Films)

2003 APRÈS VOUS…

CIRCUIT CAROLE d’Emmanuelle Cuau

de Pierre Salvadori

1994

MARIÉES MAIS PAS TROP

L’HISTOIRE DU GARÇON QUI VOULAIT QU’ON

de Catherine Corsini

L’EMBRASSE de Philippe Harel

UN HOMME UN VRAI d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu

1993 CIBLE ÉMOUVANTE de Pierre Salvadori

TOUTES CES BELLE PROMESSES

1992

(téléfilm ARTE)

LOIN DU BRÉSIL

de Jean Paul Civeyrac

de Tilly

CLÉMENT d’Emmanuelle Bercot (production déléguée Moby Dick Films)

2002 FANTÔMES de Jean Paul Civeyrac

COMME IL VIENT de Christophe Chiesa

LE DOUX AMOUR DES HOMMES de Jean Paul Civeyrac

25 rue Michel le comte 75003 paris

Photographies laurent champoussin Texte philippe Martin

les Films pelléas www.lesfilmspelleas.com

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Si LeS GenS ChAntent à LonGueuR de JouRnÉe, et pAS SeuLeMent dAnS Son AteLieR, LA vie de LA CouR eSt AuSSi RYthMÉe pAR LeS inStRuMentS de MuSique que FABRique Son voiSin, deS tAMBouRS et deS xYLophoneS. pluche éMAilleur Dans les années 1640, alors qu’un incendie a détruit le Jeu de Paume de La Fontaine, ce quartier connaît son siècle d’or. On construit au 25 rue Michel Le Comte un hôtel particulier sur rue, par lequel on entre encore aujourd’hui.Dans certains appartements qui correspondent à la salle à manger de l’hôtel particulier, on peut encore voir des poutres sur lesquelles restent les traces de peinture qui les décoraient à la construction de l’immeuble. En 1715, le numéro 29 et le numéro 31 de la rue Michel Le Comte sont réunis pour ne faire qu’un seul bâtiment avec le numéro 25, et à partir d’août 1734 on connaît le nom des occupants de l’immeuble et leur métier : un maitre au Conseil d’Etat, un chevalier de l’Ordre du Roi, un précepteur des rentes, un payeur des rentes de l’Hôtel de Ville, un conseiller à la cour des Aides et un procureur au Châtelet. Après avoir été commerçante, la rue est maintenant habitée par des financiers et des parlementaires, et aussi par un personnage qui jouera un rôle majeur dans la politique de la France. Jacques Necker, banquier installé juste en face dans l’hôtel d’Halwyll, deviendra malgré sa nationalité suisse, le ministre des finances de Louis XVI. En 1766 sa fille Germaine naît dans cet hôtel particulier sur lequel donne la plupart des appartements sur rue du 25. C’est sous le nom de Madame de Staël qu’elle contribue à faire connaitre le mouvement romantique en France. Et malgré la fonction de son père, elle devient une grande partisane de la Révolution Française, puis une grande adversaire de Napoléon. De nombreux exils l’obligent à quitter Paris. Condamnée à s’en tenir éloignée d’au moins 40 lieues, c’est sur les bords du Lac Léman qu’elle passe une grande partie de sa vie. Toujours en 1766 le Comte d’Halwyll propriétaire de l’Hôtel demandera à un jeune architecte alors inconnu, Claude Nicolas Ledoux, de restaurer le bâtiment qui date de 1628. L’hôtel particulier est alors considéré comme le plus moderne du Marais. Il contribue à lancer la carrière de l’architecte et reste aujourd’hui le seul témoignage de son travail sur les hôtels particuliers parisiens. Mais retraversons la rue et retrouvons l’immeuble qui nous intéresse, racheté le 10 mai 1786 par Nicolas Sylvain Gabriel, Vicomte de Jancourt. À partir du début du XIXème siècle, la nature de l’immeuble change, les habitations cédant le pas à des artisans puis à des commerçants. En 1821, alors que se développent dans le Marais des activités industrielles et artisanales, s’installe un bijoutierjoailler, puis deux autres en 1822. En 1838 l’immeuble est devenu un petit centre de bijouterie-joaillerie puisqu’ils sont maintenant six à travailler l’or et l’argent. L’expansion continue et viennent s’installer Théodore fabricant de papier fantaisie, Fourny libraire, Roquantin teinturier

de peaux, Madame Eschévilliers-Baudouin fabricante de corsets, Tardy et Balchet qui font des amorces. Les rejoignent Derau qui fabrique des chaussures, Tournois sertisseur, Durost Jeune tourneur en cuivre, Pluche émailleur et aussi Thibert Fils qui fabrique des lorgnettes. À partir de 1858 de nouveaux métiers viennent s’ajouter aux anciens : un papetier, un fabricant d’enveloppes, un confiseur, des fabricants d’épingles, de registres, de carnets, d’étiquettes. On trouve aussi un monteur de boîtes, un graveur sur métal, un fabricant de presses, un fontainier, un brunisseur, un menuisier et un tabletier. Enfin il y a aussi un fabricant de stéréoscope, procédé inventé en 1838 et qui peut être considéré comme le premier pas vers la 3D puisqu’il permettait de voir une image en relief.

Pour accueillir toutes ces activités, des aménagements importants ont lieu. Une parcelle située au 40 de la rue Beaubourg vient compléter le 25 rue Michel Le Comte et permet d’agrandir la cour. En 1850 on construit autour de la cour de nouveaux immeubles qui correspondent aujourd’hui aux bureaux de Pelléas. Ces petits immeubles de trois étages sont faits pour accueillir des activités commerciales et complètent celui construit en 1820 sur les restes du jeu de paume, surélevé et agrandit en 1830. Raccordant mal avec les autres bâtiments de la cour, il sera le seul bâtiment entièrement démoli pour laisser place à un immeuble moderne. En 1830 on ouvre une rue à l’intérieur de l’immeuble ! Les livraisons sont facilitées et les activités nécessitants des produits chimiques ont enfin une ventilation, appréciée des voisins… On imagine sans mal la vie qui régnait dans ce passage, entre les commerçants et les habitants, le tout dans une promiscuité certaine et une grande effervescence. Cette effervescence dure jusqu’en 1880, car à l’exception d’un fabricant de tambours venu récemment s’installer, les artisans quittent peu à peu l’immeuble. Les bâtiments construits dans la cour deviennent alors un couvent de jeunes filles et on agrandit la porte de l’entrée pour permettre à leur carriole de passer au retour des courses faites aux Halles.

En 1900 il y a moitié moins d’activité dans l’immeuble qu’ en 1850. Sœur Marie Amélie Bauer qui dirige le couvent a quitté l’immeuble, et quelques années plus tôt est venu s’installer un marchand de vin. Mais n’y voyons pas de liens de cause à effets… À partir de 1930 les affaires reprennent ! C’est maintenant un serrurier, un tourneur-repousseur, un ciseleur, un doreur sur métaux, un horloger, un graveur et un quincailler qui viennent s’installer, rejoints par un fabricant de casquettes, un chapelier pour dames, un fourreur, un fabricant de parapluies et un autre de bas à varices. Enfin, s’installe un coiffeur pour Une autre matière précieuse est dames. La plupart de ces activités res- travaillée dans l’atelier, l’ivoire. Ceteront jusqu’aux années 60, 70. lui-ci arrive des colonies françaises et alimente leurs comptoirs parisiens. C’est au comptoir de la rue de Bretagne qu’il va choisir les défenses dont il a besoin. À une époque où beaucoup d’objets sont encore faits en ivoire, comme les brosses à cheveux ou les éventails, les artisans viennent choisir parmi les centaines de défenses d’éléphants entreposées dans la cave du comptoir. Une défense faisant facilement 30 kg et pouvant mesurer jusqu’à 2 mètres, elle est sciée sur place à la demande. Daniel Barnola rapporte régulièrement à pied depuis la rue de Bretagne les morceaux de défenses qu’il va travailler, avec une préférence pour l’ivoire du Gabon. Il travaille seul. L’ état de son atelier l’empêche d’embaucher : les machines ne sont pas aux normes, et il n’y a – et il n’y aura les 21 000 Jours jamais - ni eau, ni électricité, ni WC, ni chauffage ! Malgré ses nombreuses de dAniel BArnolA demandes, les propriétaires ne feront Mais revenons à Daniel Barno- aucun aménagement. la. Il a 14 ans quand il est embauché en 1948 au 25 rue Michel Le Comte Quand il arrive comme apprenti comme apprenti tourneur tabletier en 1948, l’atelier compte 9 ouvriers. dans une entreprise qui se transmet L’ambiance est joyeuse, tout le monde de père en fils depuis 1820. L’essentiel connait les chansons de l’époque, et des machines qui se trouvent alors l’on chante du matin au soir. L’alcool dans l’atelier datent de la création, et doit contribuer à mettre un peu d’amsi certaines se sont électrifiées, Da- biance puisque dans son travail, le niel Barnola continuera jusqu’en 2011 jeune apprenti est chargé de l’approà utiliser une scie à pédale datant de visionnement. C’est à la tireuse du 1820, seule machine lui permettant de quartier qu’il va chercher un vin algéscier avec une extrême précision ! rien à 14 degrés, et ce n’est pas moins Le monde dans lequel il travaille d’un litre et demi que chacun de ses est celui des bois précieux : ébène, collègues boit quotidiennement ! Si palissandre, macassar, court baril, les gens chantent à longueur de jourpalissandre de Rio, amourette, sental, née, et pas seulement dans son atelier, cochenille, tuya, bois d’Indochine ou la vie de la cour est aussi rythmée par palissandre de Madagascar, c’est tous les instruments de musique que fales bois du monde qu’il aura travail- brique son voisin, des tambours et des lés, à une époque où leur importation xylophones. Au milieu de la cour un n’était pas encore interdite, pour fa- cartonnier a son entrepôt, un impribriquer anses, manches à couteaux, meur est au premier étage à côté d’un isoloirs, socles ou bijoux en bois pour cristallier. Un atelier de confection les plus grands orfèvres français et - où là aussi on chante beaucoup - est étrangers. Il sera le dernier artisan au deuxième. Un fondeur d’alumifrançais à faire ce métier. nium est dans un angle de la cour, et Les bois précieux qu’il travaillait pendant un temps c’est un boucher arrivaient au Havre par bateaux. Da- qui s’installe dans l’autre angle : il niel Barnola allait les choisir dans les amène ses carcasses, les découpe, et hangars à même les quais. Ils partaient part les livrer dans les restaurants et ensuite par péniche jusqu’à Rouen cantines du quartier. où ils étaient débités, puis étaient livrés par cheval rue Michel Le Comte. C’est le passage du premier bus dans la rue dans les années 60 qui mettra un terme à la circulation des chevaux.

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À la place des architectes installés aujourd’hui sous une verrière, un serrurier forge ses clés sur un foyer au dessus duquel est installé un grand soufflet. Sur la façade, trois enseignes sont accrochées pour rappeler les commerces que l’on peut trouver : une grande clé pour le serrurier, un tuba pour le marchand d’instruments de musiques, et un immense gant pour un gantier. En 1870 c’est un clairon et une clé qui étaient accrochés à la façade, comme le montrait une photo d’Eugène Atget, malheureusement aujourd’hui introuvable. Apprenti, puis ouvrier, Daniel Barnola rachètera l’atelier à son patron, un patron qu’il aura toujours vu en blouse, béret et col cassé blanc. Patron à son tour en 1971, il travaillera tous les jours sauf le dimanche après-midi. Daniel Barnola a bien conscience que pendant ces 63 années passées ici la civilisation a changé, et aussi les mentalités. Il témoigne de la gaité qui régnait dans l’immeuble et rappelle qu’à cette époque les ouvriers étaient heureux à partir du moment où ils avaient du travail. « Aujourd’hui qui sont les ouvriers heureux, en dehors des artistes ? » En commençant à travailler ici à 14 ans, Daniel Barnola a eu conscience qu’il y passerait toute sa vie. Il savait en arrivant qu’un jour il reprendrait cet atelier et que toute sa vie professionnelle s’y déroulerait. L’intuition n’était pas fausse : si on lui donne 4 semaines de congés par an c’est près de 21 000 jours qu’il aura passés dans son atelier du 25 rue Michel Le Comte. Depuis 5 siècles, qui dit mieux ?

25 RMLC

Numéro 1 Décembre 2015

25 rue Michel Le Comte 75003 Paris

Photographies Laurent Champoussin Texte Philippe Martin

Les Films Pelléas www.lesfilmspelleas.com

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nouS SoMMeS en 1978 et qui pouRRAit penSeR qu’un inSpeCteuR deS iMpôtS, JeAn CLAude, et un ContRôLeuR de GeStion de LA CoMpAGnie deS CoMpteuRS, JoëL, Sont en tRAin de donneR nAiSSAnCe à un quARtieR GAY AuJouRd’hui MondiALeMent Connu, Le MARAiS. Joël et JeAn clAude Un des rares commerces sur rue de l’immeuble est le café de Madame Veuve Pilard. C’est là que se retrouvent les ouvriers de l’immeuble, pour déjeuner ou boire un verre. À la fin des années 70 Madame Veuve Pilard commence à sentir la fatigue, voilà plus de 50 ans qu’elle tient ce petit restaurant avec sa sœur. Elle décide de céder son fond de commerce. À quelques centaines de mètres, rue du Plâtre, Le Village connaît un grand succès. Ce bar d’un genre nouveau a été ouvert par Joël Leroux et Jean-Claude Zamora. Ces deux amis cherchaient à retrouver à Paris un lieu comme ceux qu’ils aiment fréquenter à Amsterdam, un lieu de liberté, sympa, chaleureux, pas cher, et où l’on peut se montrer gay ouvertement. À l’époque les lieux gays parisiens sont situés rue Sainte Anne et à Saint Germain des Prés. Il s’agit de restaurants ou de boîtes de nuit, avec portes à judas et videurs. Mais là où Joël et Jean-Claude aimeraient pouvoir sortir, c’est tout simplement dans un café, un café pour les gays. Ils ouvrent donc Le Village et le succès est immédiat.

Nous sommes en 1978 et qui pourrait penser qu’un inspecteur des impôts, Jean-Claude, et un contrôleur de gestion de la Compagnie des Compteurs, Joël, sont en train de donner naissance à un quartier gay aujourd’hui mondialement connu, le Marais. Le Village marche si bien qu’ils décident d’ouvrir un deuxième lieu. Joël et Jean-Claude rencontrent Madame Veuve Pilard, visitent le local et le trouve parfait. Le Duplex ouvre en juillet 1980. Quelques mois plus tard s’établit à l’angle des rues Sainte Croix de la Bretonnerie et Vielle du Temple le premier bar gay concurrent : Le Central. La clientèle se répartira dans chacun des deux bars (Le Village ayant fermé) selon un critère très naturel, les moustachus et les barbus iront au Central alors que la clientèle du Duplex sera imberbe !

À partir de 1984, Joël continue l’aventure seul et prend l’habitude d’ouvrir les portes de son bar aux expositions de photos et de peinture, mais aussi à des associations qui n’ont pas de lieu où se réunir. Le GAGE, association gay des étudiants des grandes écoles vient d’être créée. Présidé par Frédéric Martel, l’association passe rapidement de quelques membres à plus d’une centaine. L’habitude se prend de se réunir une fois par semaine au Duplex. Des personnalités comme Yves Navarre, Edmund White, Roger Peyrefitte ou Cyril Collard sont invitées à débattre sur un sujet proposé par le GAGE. En accueillant généreusement les associations, Joël veut aussi participer au militantisme de la communauté gay. Nous sommes au milieu des années 80, cette communauté doit faire face au Sida et n’a pas encore trouvé le moyen d’organiser son combat. Au dessus du Duplex, à côté de l’appartement de Joël vit Frédéric Edelman, journaliste au Monde spécialiste en architecture. C’est chez lui que va naître AIDES, la première association de lutte contre le Sida. Créée par Frédéric Edelman et son ami médecin Jean-Florian Mettetal, elle sera présidée par Daniel Defert qui vient de perdre son compagnon

débauche – sont abordées. Mais ces dimanches soirs sont aussi l’occasion de simplement écouter le témoignage de malades racontant leur vie quotidienne, les problèmes qu’ils rencontrent et la lourdeur des traitements qu’ils prennent : on soigne alors le Sida à l’AZT ou à l’Interféron et les effets secondaires sont particulièrement éprouvants. Les réunions du Duplex sont tellement marquantes, qu’elles font régulièrement l’objet d’articles ou de reportages au point que même la télé japonaise viendra les filmer. Elles se tiendront jusqu’en 1992. Les informations sont alors relayées par de nombreux médias et il est moins indispensable d’avoir un lieu spécifique pour débattre. Dans son livre Richie, Raphaëlle Bacqué évoque longuement cette période, les soirées du Duplex et le rôle que Richard Descoings joua les premières années de l’association, dont il rédigea les statuts. Joël continuera d’ouvrir le Duplex à d’autres initiatives autour du Sida qui ne manqueront pas d’alimenter les discussions de la clientèle, comme cette exposition de patchworks fabriqués par des garçons qui ont perdus leur compagnon et se retrouvent au sein d’une association pour coudre et assembler des éléments qui rappellent le disparu : vêtements, lettres ou photos. D’autres associations font du Duplex leur QG temporaire : les Gay and Greys, dont le slogan annonce la couleur : « c’est pas parce qu’on a les cheveux blancs qu’on est devenu hétéros », les GGG « les Gays Grimpent et Glissent », ou les Gros, sans slogan. Enfin la Gay Pride organisa ici ses premiers défilés. L‘association des étudiants gays des grandes écoles continue d’avoir ses habitudes au Duplex en s’y retrouvant toujours le lundi. Et tous les soirs depuis bientôt 40 ans, Joël ouvre ce bar dont l’esprit et l’histoire ne se comparent à aucun autre dans le quartier.

Mais il est temps de parler de cinéma, et avant d’évoquer les Films Pelléas c’est d’une autre société de production dont il faut parler, ou plutôt des deux autres : Michel Foucault, sans qu'on ait osé lui La Cécilia et Pierre Grise. dire de quoi il est mort. C’est fortuitement, en consultant un registre, qu’il apprendra que Michel Foucault est mort du Sida. Très vite le Duplex accueille les réunions d'AIDES. Elles ont lieux tous les dimanches soirs et se déroulent de façon rituelle : les trois fondateurs d'AIDES se tiennent d’un côté du comptoir qui sépare le bar en deux et organisent la parole. Pendant des années, le Duplex sera le seul endroit où l’on peut discuter de la maladie, échanger des témoignages, partager des expériences. Des médecins, des juristes, des infirmières viennent répondre aux problèmes qui se posent aux malades, qu’ils soient médicaux ou administratifs. Des questions aussi cruciales que la prise en charge de la maladie par la sécurité sociale, ou la possibilité de faire de la publicité pour les préservatifs – celle-ci étant interdite pour cause d’incitation à la

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25 RMLC

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Numéro 1 Décembre 2015

25 rue Michel Le Comte 75003 Paris

Photographies Laurent Champoussin Texte Philippe Martin

Les Films Pelléas www.lesfilmspelleas.com

leBeAu & Associés

les indépendAnces

les BrigAnds

la co(operA)tive

egalement au 25 rMlc :

Lebeau & associés est né en 2012 pour donner un élan et un cadre à des projets issus aussi bien des arts visuels que des arts vivants et qui souvent mêlent les deux. Animée par Françoise Lebeau, cette structure de production permet à des artistes de faire un pas de côté pour confronter leur pratique à de nouveaux défis esthétiques. S’il fallait définir une ligne éditoriale, elle reposerait sur l’hybride, l’impur et un goût prononcé pour l’art de l’interprète, qu’il soit théâtral, chorégraphique, musical…

Les Indépendances est un bureau de production fondé à l’automne 2011 par Philippe Chamaux. Cette maison d’artistes regroupe des talents divers, situés aux croisements des disciplines, restant dans une perpétuelle curiosité et elle accompagne le travail de Séverine Chavrier, Giuseppe Chico et Barbara Matijevic, Frédéric Deslias, le Groupe Entorse, Raimund Hoghe, Nicolas Kerszenbaum, Marc Lainé, Hervé Robbe, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre.

En 2000, Loïc Boissier ouvre avec le pianiste Nicolas Ducloux la partition du Barbe-Bleue d’Offenbach et propose à quinze de ses collègues du Choeur des Musiciens du Louvre d’en monter une version légère. L’ équipe s’organise en 2001 pour faire tourner ce spectacle en France. Les Brigands, du nom d’un ouvrage d’Offenbach est née. Benjamin Lévy dirige et Stéphan Druet met en scène : Geneviève de Brabant, Le Docteur Ox puis Ta Bouche en 2004, dont les représentations à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet leur valent un succès considérable. Les distributions se régénèrent sans cesse et le baryton Christophe Grapperon devient en 2007 directeur musical de la compagnie. De 2008 à 2011, la compagnie collabore avec le Théâtre musical de Besançon et s’ouvre à de nouvelles collaborations : les 26000 couverts, Johanny Bert, Pierre Guillois, en 2013 création de La Grande Duchesse mise en scène par Philippe Béziat. Les chevaliers de la table ronde nouvelle production des Brigands, vient d’être crée au Théâtre de Bordeaux.

Dernière arrivée dans la cour, la CO(OPERA)TIVE a pour vocation de produire des opéras. Les scènes nationales de Besançon, Quimper, Dunkerque et le théâtre Impérial de Compiègne, partagent avec Loïc Boissier la volonté commune de faire vivre l’opéra partout en France et idéalement pour plus d’une vingtaine de représentations. Ils revendiquent une réelle exigence artistique tant pour le théâtre que pour la musique. Ils s'engagent à mettre en œuvre des créations dont le format technique et financier puisse concerner un vaste réseau de diffusion du spectacle vivant en France et en Europe. Ils s’emploieront à développer des outils de médiation et à collaborer avec des ensembles instrumentaux ou vocaux constitués et indépendants. Ils préconisent le choix de metteurs en scène de théâtre qui n'auraient pas nécessairement une grande expérience de l’opéra. Les noces de Figaro, première production de la CO(OPERA) TIVE, sera présentée dans une quinzaine de villes en France pendant la saison 2015/2016.

L’agence d’architecture de François Sahuc et Jean-Luc Katchoura, fondée en 1988, a construit de nombreux cinémas dans toute la France, des salles de spectacles et des espaces culturels.

www.lesbrigands.fr

www.lacoopera.com

dAnS LA CouR

www.le-beau.paris

www.lesindependances.com

www.sahuc-katchoura.fr/

Depuis 1985 Polymago fondée par Juliette Weisbuch et Jean-Baptiste Blom conçoit et crée des identités visuelles, des campagnes d’informations des éditions, des affiches, des expositions et des signalétiques. Ils travaillent avec de nombreux musées, maisons d’éditions... www.polymago.fr

Basse cour pratique depuis 1995 une activité de conseil en communication en stratégie, édition, événementiels mais aussi stand et multimédia et communication digitale. Ils réunissent de nombre d’acteurs autour de leur projets : graphistes photographes mais aussi fabricants d’objets et de mobilier.

ALoRS qu’un AGent d’ARtMÉdiA vient diSCuteR un ContRAt AveC MARtine MARiGnAC, iL Lui Avoue qu’ApRèS AvoiR tRAveRSÉ Le pASSAGe et pRiS L’eSCALieR, iL n’A pLuS Le CœuR de Lui deMAndeR un CAChet iMpoRtAnt pouR Son ACteuR ! MArtine et evelYne Martine Marignac veut bien prendre des risques dans son métier de productrice, mais pas sur son lieu de travail. Le jour où elle manque de passer à travers le plancher de son bureau pour se retrouver dans la synagogue de l’étage du dessous, elle décide de déménager. Cet effondrement confirme ce qu’elle pense depuis longtemps : vivre dans cet immeuble est dangereux. Cela fait bientôt dix ans qu’elle y a installé La Cécilia créée avec Jean-Louis Comolli et pas moins de 15 associés, parmi lesquels Maurice Tinchant et Philippe Carcassonne, jeune journaliste à Cinématographe. Evelyne July, épouse de Serge July et créatrice de MK2 Distribution avec Marin Karmitz est une grande amie de Martine Marignac. C’est elle qui a trouvé les bureaux pour y loger sa jeune société, Partner’s, qui produira notamment La Banquière de Francis Girod, en association avec Ariel Zeitoun. Le premier bureau de la Cécilia était le salon de Martine. C’est là qu’elle produit Le Pont du Nord de Jacques Rivette, l’Ombre rouge de Jean -Louis Comolli et Passion de JeanLuc Godard, en coproduction avec Alain Sarde. Au 25 Rue Michel Le Comte elle produira La diagonale du fou de Richard Dembo, Golden Eighties de Chantal Akerman, La dernière chanson de Denis Berri, La femme de papier de Suzanne Schiffman, Hurlevent et l’Amour par terre de Jacques Rivette. En 1985 un projet d’envergure est en train de voir le jour, l’adaptation de La valse des adieux de Milan Kundera, deuxième film de Marc Grunbaum pour lequel sont réunis Isabelle Huppert, Sandrine Bonnaire, Alain Delon et Burt Lancaster ! Le financement est bouclé et le film déjà bien préparé quand Marc Grunbaum meurt d’une crise cardiaque à un mois du tournage. Martine Marignac essaie de lui trouver un remplaçant mais Milan Kundera refuse de céder les droits de son livre à un autre réalisateur. Le film sera définitivement arrêté, et jamais plus Milan Kundera ne cèdera les droits d’un de ces livres. La Cécilia vit encore quelques temps mais n’arrive pas à se remettre de cette tragédie qui lui coûte très cher. Elle disparaît à la fin des années 80…quand apparaît Pierre Grise. Maurice Tinchant et Martine Marignac en sont les principaux associés, Evelyne July a déménagé et c’est un jeune producteur qui la remplace au 25 rue Michel Le Comte, Denis Freyd qui vient de créer Archipel 33. À cette époque, la cour a son charme : on entend les chants qui montent de la synagogue, on construit chaque hiver une cabane pour Sukkot, une famille chinoise crée l’événement pour les fêtes du Têt et accroche régulièrement des canards morts à ses fenêtres avant de les cuisiner. Le tout est rythmé par le son des tambours de la garde républicaine que répare Monsieur Deslauriers, le fabricant d’instruments de musique. Un autre charme de ce lieu est de faciliter les négociations : alors qu’un agent

d’Artmédia vient discuter un contrat avec Martine Marignac, il lui avoue qu’après avoir traversé le passage et pris l’escalier, il n’a plus le cœur de lui demander un cachet important pour son acteur ! Mais ces charmes ne suffisent pas à retenir nos producteurs qui quittent ensemble la rue Michel Le Comte pour s’installer dans un même immeuble de la rue Charlot où eux aussi resteront 25 ans.

En octobre 1997, David Thion vient faire son stage de 3ème année de la Fémis et deviendra quelques années plus tard associé aux films Pelléas. Nous avions déjà produit une cinquantaine de longs métrages quand nous avons appris que la Mairie de Paris rachetait l’immeuble et qu’elle le destinait à des logements sociaux, tout en décidant de garder les quelques entreprises qui s’y trouvaient : des architectes, des graphistes et Les Films Pelléas.

un stAgiAire en troisièMe Année de lA FéMis

Peu de temps avant les travaux, les derniers artisans partent : Monsieur Bonnote émailleur, Monsieur Gallon horloger, Monsieur Annamet spécialiste de métaux précieux, et Monsieur Hagège, dernier bijoutier à perpétuer la tradition de l’orfèvrerie joaillerie installée ici depuis près de 2 siècle. À la fin des années 2000 disparaitra Monsieur Petitjean, un personnage mystérieux à qui pendant près de 20 ans nous avons cédé le passage dans notre escalier - il était handicapé par une jambe raide - sans que jamais la conversation n’aille au delà de « bonjour » ou « bonsoir ». Sa mère avait été la gardienne de l’immeuble des dizaines d’années plus tôt, il était né là et n’était jamais parti. La Mairie de Paris a regroupé les surfaces que nous avions – et qui pour partie était dans l’état de l’atelier de Daniel Barnola : ni eau, ni chauffage, ni WC – et les a regroupées dans l’immeuble de la cour. Pendant les travaux nous sommes installés dans des bureaux provisoires correspondants précisément à l’appartement que Joël habitait jusqu’à notre installation, et à celui où AIDES était née 30 ans plus tôt. Maintenant que nous avons réintégré nos bureaux d’origine, nous ont rejoints 4 associations qui produisent de l’opérette, de l’opéra, du théâtre et de la danse : Les Brigands, La Coopérative, Lebeau et Associés et Les Indépendances.

En 1992 c’est Maurice Tinchant qui me fait visiter des bureaux inoccupés depuis 2 ans. Après avoir passé quelques mois dans un 2 pièces au 8 rue de Paradis, et une année dans des bureaux sous-loués chez un architecte d’intérieur au 52-56 rue des haies dans le 20 ème arrondissement, l’opportunité d’installer Pelléas dans les anciens bureaux de Pierre Grise est une véritable aubaine. Le jour de la visite je ne me souviens pas avoir trouvé l’immeuble vétuste et les planchers fragiles, j’étais juste heureux de trouver des bureaux si grands, si beaux, si bien placés et si peu chers. Loin du Brésil, la première production de Pelléas était sortie – ou avait pris l’ air, comme disait alors René Bonnell pour désigner un film qui n’avait pas marché –, les finances n’allaient déjà pas fort mais les projets ne manquaient pas. Nous étions en montage de Cible Emouvante et nous préparions le premier film de Philippe Harel. Assez vite nous avons pu louer un entrepôt dans la cour pour un loyer défiant toute concurrence, puis des bureaux inutilisables pour autre chose que des préparations de films, et que certains réalisateurs en les découvrant n’hésitaient à qualifier de squat ! Bertrand Gore qui dès les premiers mois de notre installation occupe une pièce dans nos bureaux, devient pendant plus de 15 ans notre plus proche voisin dans l’immeuble une fois qu’il est associé à Nathalie Mesuret.

La salle où sont exposées aujourd’hui les photos de Laurent Champoussin accueillera régulièrement des expositions de jeunes artistes. Et dans les 25 ans qui viennent Pelléas continuera à produire des films et à faire de cet immeuble ce qu’il est depuis si longtemps, un lieu où le travail, la création et la découverte se partagent.

L'Équipe pÉLLeAS Création en mars 1990 avec le soutien amical et précieux de Chantal Richard 1990 - Benoit Pilot 1991 - Françoise Lebeau Nathalie Le Toux 1992 - Olivier Masclet Viviane Labas 1993 - Stéphane Even Caroline Gosselin 1994 - Florence Lemoine 1996 - Hélène Bastide Farida Fdani 1997 - David Thion 2000 - Stéphanie Meilhac Lola Gans Géraldine Michelot 2001 - Benjamin Pasquier

2002 - Juliette Mallon 2003 - Chrystèle Bru 2005 - Henri Zytnicki Johana Hazan 2007 - Florian Mole David Hedrich 2008 - Agathe Vadon Mathilde Boisgontier Siham Siati 2010 - Lucie Fichot 2012 - Eiji Yamazaki Laure Parleani 2014 - Victoria Richel 2015 - Estelle Jaugin Guillaume Schmitt

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C’eSt à pRopoS d’une diSpARition, d’un Monde enGLouti, deS SiGneS du pASSÉ. C’eSt à pRopoS de pARiS, de pieRReS GRiSeS, de tApiSSeRieS JAunieS. C’eSt à pRopoS de MuRS devenuS SuRFACeS ARtiStiqueS, de FAiLLeS expReSSiveS, de poutReS ÉCLAtÉeS, de CouLÉeS de CouLeuRS d’ÉCAiLLeS de peintuReS. C’eSt à pRopoS de Cette nuAnCe tÉnue MAiS eSSentieLLe qui ChAnte LA MÉLAnCoLie MAiS JAMAiS LA noStALGie.

laurent champoussin

Conception graphique : Mathieu Bonnin & Dimitri Krassoulia

et puiS C’eSt à pRopoS d’une tRAnSFoRMAtion, de GRAndeS LiGneS veRtiCALeS, du pLâtRe et de L’ACieR, d’ApLAtS MonoChRoMeS, de veineS ÉLeCtRiqueS.

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