denain, la ville du charbon

February 6, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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Projet de fin de session

DENAIN, LA VILLE DU CHARBON L’évolution du patrimoine minier des débuts à nos jours

PRÉFACE Par le directeur de l’école nationale des techniciens de l’Équipement, établissement de Valenciennes

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E 7 juillet 2005, je remettais officiellement

à M. Patrick Leroy, maire de Denain, la première édition de l’ouvrage Denain, la ville du charbon consacré à l’étude du patrimoine minier de la commune. Cette cérémonie conviviale rassemblait à la mairie, outre son premier magistrat, nos fidèles complices de la Société Archéologique et Historique des Amis du musée municipal de Denain. Depuis plusieurs années, les membres de cette dynamique association travaillent, en effet, avec quelques passionnés de l’école – élèves et agents confondus – à l’édition d’ouvrages sur l’histoire industrielle du Nord. Ce travail commun avait produit, en 2003, Denain, la ville de l’acier, consacré à l’évolution de l’habitat sidérurgique et je ne doute pas que, avant la fin de l’année, nous verrons une nouvelle réalisation sortir de l’imprimerie.

* Association BMU 2005 place de la République 62750 Loos-en-Gohelle

Les mois ont cependant passé depuis la sortie de Denain, la ville du charbon et je pense que cet opuscule répond au besoin d’un public important au vu des courriers de satisfaction qui nous sont régulièrement parvenus et de l’écoulement rapide de la totalité du premier tirage. Je n’hésite donc pas à lancer une nouvelle édition par fidélité à la charte de création du club Bassin Minier Unesco* de l’ENTE signée en avril 2004.

Pierre Petiot

SOMMAIRE

Avant-propos ......................................................................... p. 1 à 6 par : Franck Mundubeltz

Secteur d’étude n°1 ............................................................. p. 7 à 22 fosses Villars, Jean Bart, l’Enclos, le quartier Périer auteurs : Marie-Agnès Gorisse, Olivier Lombart, Étienne Tassel et Vincent Uyttenhove

Secteur d’étude n°2 ............................................................. p. 23 à 40 quartiers Bellevue et Chabaud-Latour auteurs : Emmanuel Gallet, Nathalie Jadem, Bruno Masetty et Magali Spychiger

Secteur d’étude n°3 ............................................................. p. 41 à 52 quartier du Nouveau Monde auteurs : Anne-Lise Autant et Ghislaine Lassenne

Secteur d’étude n°4 ............................................................. p.53 à 73 le secteur Turenne auteurs : Christian Le Calvé, Christine Mauger et Nathalie Meurisse

Conclusion.............................................................................. p.75 à 76 par : Jean-Marie Stawikowski

Remerciements ..................................................................... p. 77 Iconographie ......................................................................... p. 79 à 80

FORMATION INITIALE DES SECRÉTAIRES ADMINISTRATIFS DES SERVICES DÉCONCENTRÉS

PROJET DE FIN DE SESSION FILIÈRE AMÉNAGEMENT AVANT-PROPOS Par Franck Mundubeltz, chef de projet au groupe Villes et Territoires, en charge de la filière Aménagement du projet de fin de session

L’image de la région Nord – Pas-de-Calais est souvent étroitement liée à celle de la mine. Même si cette vision est évidemment partielle, il apparaît que cette industrialisation a façonné le“Pays Minier”. La mine, qui a employé jusqu’à 218 590 personnes en 1947, a été incontestablement la source du développement démographique, urbain et économique de toute la région (1).

1 - il convient de recommander la lecture de l’article : « Le Pays Minier après la mine » dans la revue Hommes et Terres du Nord, 1994, édité par l’UFR de géographie et d’aménagement de l’université de Lille 1 et la faculté de géographie et d’aménagement de l’université de Picardie 2 - B RUYELLE (Pierre) « Le Pays Minier existet-il encore ? » dans Hommes et Ter res du Nord, op.cit. 3 - l’expression est tirée du texte d’introduction du Livre blanc de la Conférence Permanente du Bassin Minier : une ambition partagée pour l’après- charbon, Février 1998 4 - CÉGARRA (Marie) La mémoire confisquée : les mineurs marocains dans le Nord de la France, éditions du Septentrion, 1999

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’ INDUSTRIE MINIÈRE a ainsi créé sa propre or ganisation de territoire. Comme l’écrit Pierre Bruyelle (2) : « ... l’élaboration, la raison d’être du Pays Minier ont reposé longtemps sur la mine, sur les industries dérivées du charbon ou attirées par lui, comme la sidérurgie ». Le bassin minier était un “territoire-entreprise” (3) administré pendant plus de 200 ans par des concessionnaires privés et durant un demi siècle par un concessionnaire public. Le bassin minier a en effet été nationalisé le 13 décembre 1944 pour devenir les HBNPC, Houillères Nationales du Nord et du Pas-de-Calais (le 17 mai 1946 elles prendront le nom définitif de Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais) (4). En 1969, le patrimoine ainsi constitué est impressionnant : le domaine foncier comprend 11 400 hectares non bâtis (terrils, friches...) et 10 200 hectares bâtis. Le patrimoine immobilier regroupe 113 000 logements dont 107 000 en dur répartis en 690 cités et 6 000 baraquements en bois, représentant près de 11 000 km de voies privées, sans compter les 7 000 logements de la Société Immobilière de l’Artois (filiale HLM des Houillères).

Avant-propos / page 1

À ceci s’ajoutent de nombreux équipements collectifs : 120 stations de prélèvement des eaux, 91 presbytères, 51 églises et chapelles, 24 salles de sport et 12 terrains de football, 29 stades, 28 salles des fêtes, 20 écoles techniques ménagères, 11 casernes de gendarmerie, 11 hopitaux, cliniques ou maternités, 6 salles de musique, près de 1 600 km de voies ferrées (1) … Dans ce contexte naquit une culture spécifique, qui vit encore de nos jours et dont les témoignages sont nombreux. Pour n’en prendre qu’un exemple : «“Solidarité” est certainement un mot inventé pour la corporation des mineurs, qu’ils travaillent à l’extraction du charbon ou d’un autre minerai. Le danger, le soutien, le respect de l’autre sont à l’origine de ce mot. Tout nous amenait à respecter l’autre, à l’aider s’il était dans le besoin, que ce soit au fond, dans la mine, ou au jour dans le coron, pour dépanner une voisine d’une tasse de sucre, d’un bol de café ou de quelques œufs. Tout le monde se tenait les coudes. C’est ce qui rendit cette réputation inébranlable.» (2) On peut également citerAndré Lebon évoquant la période entre 1880 et 1939 : « ... le monde minier du nord de la France se présente comme une entité sociale, un monde à part dont les fondements sont : la fierté du métier, la solidarité dans le travail et dans la vie et le puissant esprit corporatif. » (3) Si l’arrêt de l’extraction dans le Nord – Pas-de-Calais est officiellement marqué par la remontée de la dernière berline de charbon, le 21 décembre 1990 à Oignies ; dans le valenciennois, c’est le 24 mars 1989 que les molettes remontent les dernières gaillettes sur le carreau de la fosse d’Arenberg à Wallers (4).

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est rattaché au royaume de France depuis 1678, mais ce n’est qu’en 1713 que la frontière avec les Pays-Bas autrichiens va se stabiliser. La création de la frontière, entre le Hainaut impérial et le Hainaut français va ainsi pousser un maître verrier, le vicomte Jacques Desandrouin à rechercher sur le sol national la houille qu’il faisait jusqu’alors venir de la région de Mons (5). C’est dans les environs de Valenciennes que commence réellement l’exploitation charbonnière avec, en 1720, la découverte de la première veine à Fresnes-sur-Escaut. La Cie des mines d’Anzin, créée en 1757, est la première compagnie minière du Nord. À la veille de la Révolution, elle produit la moitié du charbon français et exploite une quarantaine de puits employant 4 000 personnes (6). E VALENCIENNOIS

Avant-propos / page 2

1 - BAUDELLE (Guy) « Le bassin minier du Nord – Pas-de-Calais après le charbon : la difficile gestion de l’héritage spatial » dans Hommes et Ter res du Nord, op.cit. 2 - MONGAUDON ( Jean-Pierre) Mémoires du Pays Noir édition Alan Sutton, 2002 3 - LEBON ( André) Le pays minier au temps de Mousseron (18681943) éditions La Voix du Nord, 1999 4 - MONGAUDON ( Jean-Pierre) Un peu d’histoire plaquette de présentation du site minier de WallersArenbeg, classé monument historique depuis 1992. Renseignements au tél : 03 27 35 61 61 5 - H ARDY-H ÉMERY (Odette) De la croissance à la désindustrialisation, un siècle dans le valenciennois Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1984 6 - lire à ce propos : Les trois âges de la mine sur le site internet du Centre Régional de Documentation Pédagogique de ChampagneArdennes (http://crdp.acreims.fr)

1 - H ARDY-H ÉMERY ( Odette) De la croissance à la désindustrialisation, un siècle dans le valenciennois, op.cit. 2 - Le livre d’or de Denain-Anzin, 18491949, imprimé en 1950 réédité en 1992 par Guy Cattiaux Éditeur 3 - le site internet de la ville de Denain ( w w w.ville-denain.fr) propose une histoire de la commune réalisée en collaboration avec M lle Bérangère Flahaut, étudiante en BTS Animation et Gestion Touristiques Locales 4 - L E MANER (Yves) « Au nord, il y a les corons ... » dans Pays du Nord n°10, mars-avril 1996 5 - L EBON (André) Le Pays de DenainBouchain, étude finalisée le 31 décembre 1972 6 - L EBON (André) La vie en Ostrevant au XIXe siècle, association Eklitra, 1979 7 - L E MANER (Yves) Du coron à la cité : un siècle d’habitat minier dans le Nord – Pas-deCalais, 1850 -1950 collection « Mémoires de Gaillette » n°1, 1995 Centre Historique Minier de Lewarde 8 - Dictionnaire du Nord et du Pas-de- Calais éditions Larousse, octobre 2001 9 - BOISSÉ ( Pierre) «L’habitat ouvrier» dans Le patrimoine industriel, brochure extraite d’une série de fascicules publiés en octobre 1981 par le Comité Économique et Social Régional, intitulée Aspects du patrimoine régional

L’Escaut charbonnier devient, pour reprendre l’expression d’Odette HardyHémery, “un nouvel eldorado du profit” (1). La découverte de la houille, en 1828, entraîne le développement d’une modeste bourgade agricole : Denain va devenir le symbole de la révolution industrielle. Le “Pays Vert” se transforme alors en “Pays Noir” (2). À Denain, en quelques années, les fosses à charbon vont produire 600 t par jour et employer plus de 1 000 ouvriers. Cinq puits sont ouverts, un millier de logements sont construits (3). La Compagnie des mines d’Anzin y développe ses premiers ensembles importants de logements miniers (4). En 1857, la concession de Denain occupe 780 ouvriers sur 1 344 hectares et produit 88 700 tonnes (5). À partir de 1860, des paysans, des artisans du textile ruinés par la mécanisation et des ouvriers belges venus du Borinage (région minière près de Mons) viennent former la première main-d’œuvre en Ostrevant, petite région limitée par l’Escaut, la Scarpe et la Sensée. Se constitue alors dans le Denaisis une société minière spécifique, où les conditions de travail, de logement et d’existence communautaire vont déterminer une originalité caractéristique (6), comme le souligne André Breton. En 1889, alors qu’en moyenne 42,8 % des mineurs sont logés sur l’ensemble de la concession, 85 % le sont à Denain (7). Située en bordure de l’Escaut, elle devient chef-lieu de canton en 1886 et voit sa population passer de 900 habitants en 1810 à 25 000 en 1901. Cependant, sur les 15 puits de la commune, 2 seulement seront encore en activité à la fin du XIXe siècle et fermeront en 1939 et 1948 (8). Faisant appel à une abondante main-d’œuvre d’origine rurale, la Compagnie des mines d’Anzin a construit pour elle des corons dont la structure rappelle l’organisation rurale ancienne : « ... entre les séries de bâtiments alignés et identiques, en bordure de rue ou en retrait apparaissent de petits bâtiments de plan rectangulaire, en brique rouge, ouverts en façade sur pignon, d’une porte centrale surmontée ou non d’une grille d’aération en brique et sommés à l’autre pignon d’une souche de cheminée : il s’agit des fours à pain » (9). Ce type d’équipements est complété par la présence de pompes publiques en fonte ou encore de puits collectifs.

Avant-propos / page 3

En 1835, le premier haut fourneau du Nord y est construit, permettant le développement de la sidérurgie (1). En 1884, Émile Zola se rend à Valenciennes suite à l’invitation du député Alfred Girard, afin de découvrir le “Pays Noir”. Il y reste une semaine, visitant les installations d’Anzin, de Bruay-sur-Escaut et de Denain. Il rencontre notamment Émile Basly, président du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais (2). L’écrivain descend à 554 m de profondeur, au fond de la fosse Renard, où Jules Mousseron, le poète mineur, travailla 46 années (3). Il revient de ce voyage avec un témoignage sur la dureté du travail de mineur, publié en 1885 dans son roman Germinal : « Dans la taille, le travail des haveurs avait repris. Souvent, ils abrégeaient le déjeuner, pour ne pas se refroidir ; et leurs briquets, mangés ainsi loin du soleil, avec une voracité muette, leur chargeaient de plomb l’estomac. Allongés sur le flanc, ils tapaient plus fort, ils n’avaient que l’idée fixe de compléter un gros nombre de berlines. Tout disparaissait dans cette rage du gain disputé si rudement. Ils cessaient de sentir l’eau qui ruisselait et enflait leurs membres, les crampes des attitudes forcés, l’étouffement des ténèbres, où ils blêmissaient ainsi que des plantes mises en cave. Pourtant, à mesure que la journée s’avançait, l’air s’empoisonnait davantage, se chauffait de la fumée des lampes, de la pestilence des haleines, de l’asphyxie du grisou, gênant sur les yeux comme des toiles d’araignée, et que devait seul balayer l’aérage de la nuit. Eux, au fond de leur trou de taupe, sous le poids de la terre, n’ayant plus de souffle dans leurs poitrines embrasées, tapaient toujours. » (4) Avec le temps et le progrès, les techniques d’extraction vont, bien entendu, se moderniser sur l’ensemble du pays minier (5). Les modes de transports vont également évoluer : la région de Denain va être l’une des premières à voir circuler des trains. La station de “Denain Mines”, construite en 1835, propriété de la Cie des Mines d’Anzin, sera complétée d’une seconde gare en 1865, puis encore par une troisième plus tard. Dès 1844, six locomotives à vapeur (l’une d’elles portait le nom de “Sainte Barbe”) circulent sur les lignes Denain-Abscon et Abscon-Anzin (6). Avant-propos / page 4

1 - sur ce sujet, l’ENTE de Valenciennes a édité en septembre 2003 une brochure intitulée : Denain, la ville de l’acier : les usines Cail et Usinor et l’évolution de l’habitat industriel de 1844 à 1986 résultat du travail en commun de trois stagiaires, de membres de l’équipe pédagogique et de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain 2 - la biographie d’Émile Basly est disponible sur internet : www.nordmag.com /culture/personnages/ basly/basly.htm 3 - DE MONICAULT (Frédéric) Nous n’irons plus au fond sur le site internet des Charbonnages de France : groupecharbonnages.fr/ histoiredesmines_nous nirons1.htm 4 - Z OLA (Émile) Germinal Bibliopolis, 1999-2002 5 - l’exposition permanente du Centre historique minier Les trois âges de la mine retrace l’évolution des sites d’exploitation et celle des machineries d’extraction. Musée de la mine du Nord Pas-de-Calais, Fosse Delloye BP39 59287 Lewarde – France 6 - BOISSÉ ( Pierre) « Les mines et le chemin de fer : les gares de Denain » dans Le patrimoine industriel, op. cit.

1 - DUFOSSÉ-RYBKA ( Patrice) Les mineurs polonais : les petites trieuses de 12 ans, Martha et Thérèsa… éditions Nord Avril, 2002 2 - lire à ce propos la brochure éditée à l’occasion du 100 e anniversaire du carnaval de Denain (20-21 avril 2003) rédigée par Audrey Fillion, Fanny Iwaniec, Émilie Joly, Delphine Morel, Émilie Museur, étudiantes à l’IAE de l’université de Valenciennes et Jacques Pilette, leur tuteur pour l’événement : 1903-2003, Centenaire de la braderie et du carnaval de Denain 3 - Dictionnaire du Nord et du Pas-de-Calais éditions Larousse, octobre 2001 4 - L EBON (André) Le Pays de Denain Bouchain, étude finalisée le 31 décembre 1972 5 - pour mieux connaître l’histoire de la commune : Musée municipal 9, place Wilson 59220 Denain. tél : 03 27 44 62 12 Visites individuelles du mercredi au samedi de 16 à 18 heures Visite groupe du mardi au vendredi après demande en mairie 15 jours à l’avance

Au début du XXe siècle, Denain est une des villes minières les plus importantes de la région. Comme beaucoup de villes minières, elle connaît l’arrivée de nombreuses familles polonaises (1). Les journées de travail sont dures et le besoin de s’évader se retrouve dans la fréquentation des cabarets, la vie associative, les jeux collectifs et le carnaval annuel, moment fort de la vie de la cité (2). Le dernier puits de mine de Denain, la fosse Renard, ferme donc en 1948, deux ans après l’adoption par le Parlement du “Statut du mineur” qui lui confère des régimes de sécurité sociale et de retraite spécifiques, et un droit au logement gratuit. Juste retour de la “Bataille du charbon” qui a vu se mobiliser 200 000 mineurs pour produire à tout prix et faire redémarrer l’économie française au sortir de la seconde guerre mondiale (3). Dans l’agglomération, la suppression d’emplois a ainsi été très étalée et le paysage s’est modifié peu à peu. Comme l’a écrit André Lebon, le charbon a bouleversé, enrichi, et remodelé la région de Denain en un siècle et demi (4). Plus de 50 ans après que la page de l’extraction minière ait été tournée, que reste-t-il donc de cette épopée que des visiteurs viennent encore revivre en suivant, notamment, le parcours touristique minier Émile Zola ? (5) Ainsi aurait pu être rédigée la question posée à l’ensemble de la filière “Aménagement” de la promotion des Secrétaires administratifs des services déconcentrés (SASD), qui a travaillé à l’étude des cités minières de cette commune durant les mois de mars et avril 2004, avec la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain. En conclusion de leur formation, les SASD, cadres de catégorie B de notre ministère, doivent en effet réaliser un Projet de Fin de Session (PFS). Ce PFS se décline en 3 filières : Aménagement, Gestion des ressources humaines et Comptabilité / marchés publics. Les objectifs généraux des PFS sont au nombre de trois : - savoir appliquer une démarche de projet à un travail concret ; - mettre en application les acquis théoriques et techniques avec les outils et méthodes de travail enseignés ; - approfondir ces acquis dans une famille spécifique de métier.

Avant-propos / page 5

Pour la filière consacrée aux problématiques d’aménagement, il s’agit d’étudier une thématique précise en se rendant sur le terrain, en s’entretenant avec des acteurs locaux, en synthétisant des données collectées. L’exercice s’est donc organisé, en 2004, autour de l’analyse du patrimoine minier denaisien. Une démarche de diagnostic territorial qui a nettement privilégié l’approche historique comme prisme d’analyse du territoire (1). Afin de répartir le travail, le territoire d’études a été divisé en quatre secteurs. Chaque groupe a travaillé en contact permanent avec la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain (2), tout au long de ce projet. Cette organisation du travail a induit le découpage du présent ouvrage en quatre chapitres (3). Des rencontres et des visites régulières, encadrées ou en autonomie, ont ainsi permis aux secrétaires administratifs de mieux appréhender et connaître le territoire. Les 13 stagiaires ont également bénéficié d’apports théoriques sur l’habitat minier par M. Fenaert de la mairie de Denain et sur la restructuration des cités minières par M. Jablonski de la direction départementale de l’Équipement du Nord. Ils ont été accueillis par le personnel de la médiathèque et du musée de Denain, et une importante bibliographie a été mise à leur disposition par le centre de ressources de l’ENTE. Le résultat de leur travail d’investigation et d’analyse vous est aujourd’hui proposé.

La filière Aménagement du Projet de fin de session, de gauche à droite : Olivier LOMBART, Étienne TASSEL, Nathalie JADEM Bruno MASETTY, Marie-Agnès GORISSE, Ghislaine LASSENNE, Christine MAUGER, Emmanuel GALLET, Magali SPYCHIGER, Nathalie MEURISSE, Vincent UYTTENHOVE Absents sur la photo : Anne-Lise A UTANT, Christian LE CALVÉ

Avant-propos / page 6

1 - il convient ici de recommander la lecture de : « La production de territoires industriels au XIXe siècle : l’approche historique » rédigé par Odette HardyHemery dans Nord - Pasde-Calais : changement régional et dynamique des territoires Pôle Universitaire Européen Lille Nord / Pas-deCalais, ORHA Nord / Pas-de-Calais, FREVille, février 1996 2 - site internet : http://jmstawi.club.fr/ index.htm 3 - les référents de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain ont guidé chacun des groupes sur le terrain et ont fourni une bonne partie de la documentation. Des réunion de travail régulières ont permis le suivi du projet.

Secteur d’étude n°1 Les fosses Villars, Jean Bart, l’Enclos et le quartier Périer auteurs : Marie-Agnès Gorisse, Olivier Lombart, Étienne Tassel et Vincent Uyttenhove référents : Paule Laine, Alain Leray

L’ exploitation, l’habitat associé, la reconversion ne sont pas uniformes. Chaque secteur présente un aspect différent, chaque quartier a sa spécificité, contribuant à faire de Denain une ville chargée d’histoire.

Principales sources bibliographiques CENTRE HISTORIQUE MINIER

BP39 - 59287 Lewarde. Et plus particulièrement M. Gérard Dumont, du service éducatif F ENAERT (Frédéric) Industrialisation, croissance démographique et urbanisation : la Compagnie des mines d’Anzin et le Denaisis Mémoire de maîtrise, 1990 L EBON (André) Le pays minier au temps de J. Mousseron (18681943), op. cit. édition La voix du Nord Article dans le journal La Voix du Nord du 26 septembre 1982 relatif à la réhabilitation du coron Jean Bart. Itinéraire des œuvres d’art monumentales et contemporaines de Denain , livret réalisé par le musée de Denain

La fosse Villars 1- L’exploitation Les recherches débutèrent à la fin du XVIIIe siècle. Les premiers forages eurent lieu en 1777 sur les terres des dames chanoinesses, face à l’hôtel de ville actuel, cette communauté religieuse ayant accordé son autorisation. Les recherches se soldèrent par un échec et furent à l’époque provisoirement abandonnées. Mais l’existence de tronçons entrecoupés ayant été prouvée, de nouvelles investigations reprirent en 1826. L’issue fructueuse au bout de deux années d’investigations lança, en 1828, la production de charbon dans la fosse Villars qui vit sortir la première gaillette. Une veine fut enfin exploitée à Denain. La fosse Villars a été soigneusement installée à l’écart du village, tout comme c’était le cas à l’origine pour les fosses d’Anzin. La Compagnie des mines d’Anzin prit cette précaution afin de payer moins cher le terrain. L’objectif était double : il fallait aussi se mettre à l’abri de l’obligation de verser des indemnisations au village en cas d’affaissement du sol. fosse Villars, fosse Jean Bar t, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 7

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est construite autour d’un remblai qui mit la tête du puits à l’abri des crues de l’Escaut et suréleve la recette (1), ce qui permet de faciliter le stockage du charbon. Le bâtiment d’extraction en briques et recouvert de tuiles, avec ses trois arcades en plein cintre, est caractéristique des fosses ouvertes par la Compagnie des mines d’Anzin dans les années 1820-1830. À l’intérieur, c’est désormais une machine à vapeur que l’on utilise pour remonter au jour les tonneaux pleins de charbon. Pour des raisons de sécurité, cette machine à vapeur à haute pression est isolée dans un bâtiment qui lui est propre. C’est la marque la plus évidente du progrès technique. Durant les années 1850, la fosse est l’objet d’une spectaculaire modernisation. Le bâtiment de la fosse est entièrement reconstruit pour abriter une machine plus puissante. La pompe à feu, qui assure le pompage des eaux d’infiltration, est alors été remplacée par un système plus moderne abrité par le bâtiment neuf. L’ensemble de l’organisation du carreau de la fosse est ainsi reconsidéré. C’est d’abord l’ampleur des bâtiments qui surprend : autour d’une cour rectangulaire s’élèvent quatre grandes constructions où domine la brique. Derrière la salle des fourneaux, la grande cheminée surplombe sur la fosse de toute sa hauteur. La salle des machines est reliée, par les câbles d’extraction, au bâtiment du puits surmonté de son chevalement. La qualité de l’architecture obéit naturellement à une logique fonctionnelle. Néanmoins, le rythme donné aux façades, le soin apporté aux baies vitrées et à la demi-rosace du chevalement, montrent que le souci esthétique a trouvé sa place dans la construction la plus en vue de Denain. À l’arrière de la fosse existait également un mur d’enceinte dont un vestige borde de nos jours les “grands bureaux” d’Usinor. En effet, la compagnie a entrepris au milieu du XIXe siècle de systématiquement clôturer le carreau de ses fosses. Ce mur, destiné à empêcher les entrées inopportunes et à limiter le vol de charbon, avait aussi pour finalité de contrôler les allées et venues de la main d’œuvre employée à la fosse et sur le rivage, preuve de l’application d’une véritable discipline industrielle. A FOSSE

fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 8

1 - dans une mine : « ... c’est l’endroit où convergent les galeries horizontales d’un étage et où elles rejoignent le puits d’extraction. Les berlines chargées de charbon sont “reçues” et comptabilisées au crédit des équipes de haveurs, puis chargées dans la cage de remontée .», extrait du livre de François Cavanna Les enfants de Germinal éditions Hoêbeke, 1993

Après la découverte de la pression atmosphérique, Denis Papin (1647 -1714) étudie le vide d’air auprès de son maître Christiaan Huyghens (1629-1695) qui travaille à la conception d’une machine à soulever un contrepoids. Le principe de fonctionnement est le suivant : le mouvement d’un piston est généré dans un cylindre vertical par la mise à feu d’une poudre détonante, la dilatation du gaz actionne alors le piston qui se soulève. Une corde suspendue à une poulie relie ledit piston à un contrepoids qui chute lors de cette première phase. C’est la dépression du gaz qui rétablit le piston et le contrepoids dans leur position initiale. Dans l’esprit de Denis Papin germe l’idée qu’il est possible d’utiliser cette propriété des gaz pour aspirer l’eau hors des galeries minières. Ainsi, il construit plus tard une «machine pour lever l’eau» de type atmosphérique, c’est à dire activée par une machine à vapeur. Ce modèle de “pompe à feu” restera au stade expérimental. Thomas Savery (16501715) améliorera le modèle de Denis Papin et réalisera vers 1698 la première machine a être exploitée sur le site d’une mine anglaise. Thomas Newcomen rendra la machine opérationnelle en 1712 et James Watt lui donnera sa forme définitive entre 1772 et 1782. (source : Institut National de Recherche Pédagogique, www.inrp.fr)

Les tréteaux qui rayonnaient à partir de la fosse permettaient de déverser sur le rivage le contenu des berlines remontées du fond. Ce sont des ouvrières, les cafus (1) qui, à l’aide de paniers, chargeaient les péniches et les wagons de chemin de fer. Depuis les années 1850, Denain était relié aux voies de la Compagnie du chemin de fer du Nord : l’essor de la Compaci-dessus : Denain - les cafus déchargeant une péniche gnie des mines d’Anzin se trouvait donc conforté par (carte postale n°1338, imprimerie Delsart à Valenciennes) l’ouverture de très vastes marchés, en particulier celui de la région parisienne. Il existait néanmoins des rails bien avant l’arrivée du chemin de fer à Denain. 1 - on désigne par “cafu” (on trouve aussi l’orthoEn effet, des wagonnets partaient de chaque fosse et étaient reliés à la gare graphe “cafut”) une femme ou une jeune fille d’eau. L’écartement des rails était réduit comparativement au chemin de fer. chargée d’enlever les pierres remontées du Par la suite, dans le puits, les tonneaux ont été remplacés par les cages, sorte fond, mélées au charbon 2 - la maquette de la fosse d’ascenseurs à plusieurs étages qui permettaient de remonter à la surface les Villars, que l’on peut admirer dans une des berlines, les wagonnets chargés de charbon dans les chantiers du fond. Cela salles d’exposition permanente du Centre permettait d’éviter de multiples manipulations du produit et donc d’accéléhistorique minier de Lewarde, permet d’aprer l’extraction. Par ces mêmes cages, les mineurs regagnaient le fond et les préhender l’agencement de toute l’infrastructure fronts de taille. Un bassin fut creusé afin que les péniches viennent prendre le charbon. Un port fluvial, une gare d’eau, reliés à l’Escaut furent rapidement construits à proximité de la fosse Villars. Le creusement avait pour objectif d’arriver au pied même de la fosse. Le projet de gare d’eau paraissait suffisamment ambitieux pour que, dans la population, on pense que la Compagnie des mines d’Anzin avait confiance dans le potentiel de développement du site de Denain. Le bassin principal de la gare d’eau fut en fonction dés 1830. Sur la feuille ci-dessus : maquette de la fosse Villars, réalisée par Vincent Lepais pour cadastrale de 1851 (2), on peut également voir un retrait le Centre Historique Minier du Nord - Pas-de-Calais, à Lewarde de la gare d’eau, destiné aux péniches en attente. Autour de la fosse les usines ont poussé. La mine a attiré la sidérurgie : le premier haut-fourneau a été mis à feu dès 1835 près de la fosse Villars. La sidérurgie a attiré les constructions mécaniques : la société Cail fabrique des locomotives…L’exploitation prit fin en 1888, la fermeture eut lieu en 1895. fosse Villars, fosse Jean Bar t, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 9

2- L’ habitat associé Dès le début de l’exploitation, la compagnie a construit à proximité immédiate de la fosse une ligne de maisons destinées à ses ouvriers. Des premiers corons de mineurs, ne restent aujourd’hui que quelques vestiges d’habitations. Ces premiers corons étaient en briques rouges et pierres blanches. Au total, le coron Villars était constitué de 92 logements bâtis en 1834. Les logements, de type F4, étaient construits en continuité, avec un rez-dechaussée et des combles, sur une superficie de 120 m². L’emprise totale de la cité était de 24 000 m². Plusieurs centaines de mineurs travaillaient simultanément dans la fosse Villars. Toutes les fosses ont attiré la main d’œuvre qui s’installait dans les corons désormais immenses. Lié à la sidérurgie, se développe également un habitat dont la municipalité de Denain a bien du mal à maîtriser la croissance.Voilà désormais un paysage urbain caractéristique des vieilles régions industrielles où usines et habitat sont enchevêtrés. Le noyau villageois ancien a été submergé par une ville-champignon qui compte 27 000 habitants à la veille de la première guerre mondiale.

Le coron Villars a donné naissance à un des cinq modèles différents d’habitations construites par la Compagnie des mines d’Anzin dans le Denaisis. Ses logements étaient composés de la façon suivante : - au rez-de-chaussée : une cuisine et une salle à manger ; - à l’étage : une ou deux chambres mansardées sous les combles ; - un carin, une cave et un jardin. Le carin et le jardin étaient séparés de l’habitation par un passage commun. Par ailleurs, la colombophilie ayant toujours été une activité très développée dans tout le nord de la France, il n’était pas rare que les familles de mineurs ajoutent un colombier dans leur jardin.

fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 10

ci-dessus : les sas d’un colombier

ci-dessus (dessin sans rapport d’échelle) : au premier plan, une “astiquette”, la lampe à huile utilisée par les mineurs jusqu’en 1917, agrafée sur “la barrette”, le chapeau en cuir bouilli. Derrière, “la benzine”, une lampe de sûreté dont la flamme «marque» la présence de grisou en changeant de forme et de couleur. La benzine est née des recherches menées par les ingénieurs FrançoisErnest Mallard (18331894) et Henry Le Chatelier (1850-1936) au sein de la Commission du Grisou créée en 1877. (source :www.annales.org)

En 1872, une demande pour la construction d’une étable dans le coron Villars fut acceptée, après de longues discussions, par la Compagnie des mines d’Anzin qui avait fait une étude précise du projet. En 1931, on comptait dans le quartier Villars 100 maisons. Elles abritaient 412 habitants.

3- La reconversion La friche libérée depuis Villars et de son rivage a permis l’installation, au cœur de la ville, d’un centre commercial et d’un parc urbain qui honore la mémoire d’Émile Zola. Le début de la voie rapide traversant le terril L’Enclos se situe également près de l’emplacement de l’ancienne fosse Villars. Une partie de la gare d’eau fut intégrée au parc urbain. La gare d’eau comprenait à l’origine 3 bassins. Le premier fut donc remblayé et reconverti en espace de détente. Les 2 autres ont été agrandis et subsistent toujours. L’ancien coron Villars a été rasé il y a quelques années.

La fosse Jean Bart 1- L’exploitation Le terme “fosse” désigne l’ensemble du site d’extraction (puits et carreau de fosse) alors que le terme “puits” désigne uniquement le trou permettant l’accès au sous-sol. Denain a compté au total 15 fosses dont l’exploitation a duré de 1828 à 1948. L’exploitation du puits de la fosse Jean Bart date de 1831. C’est en effet cette année là qu’a commencé le creusement du sous-sol. La date précise du début d’extraction du charbon est cependant inconnue. Ce puits a été exploité jusqu’en 1859 soit 28 ans et la mine a été définitivement fermée en 1881. Il s’est donc écoulé 22 ans avant la fermeture définitive du site. Ce fait n’est pas rare. Les puits où l’exploitation avait cessé pouvaient être utilisés comme puits de service : ils servaient à la montée et la descente des mineurs, au transport des matériaux afin de privilégier l’exploitation dans les puits encore en activité avec lesquels ils étaient reliés par des galeries. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 11

Peu de documents existent concernant l’exploitation de la fosse Jean Bart qui n’a pas de spécificité en la matière. L’extraction du charbon n’y a vraisemblablement pas été d’une importance significative.Toutefois, le coron se rattachant à cette fosse présente des caractéristiques intéressantes qu’il convient de souligner.

2- L’habitat associé Origine L’installation de l’exploitation minière et d’autres industries dans le Denaisis a abouti à un développement démographique conséquent. Entre 1826 et 1846, la population de Denain est passée de 1 330 habitants à 7 272, soit une augmentation de 5 942 habitants (voir cadastre ci-contre). Elle ne cessera de croître jusqu’en 1970 où elle dépasse les 30 000 habitants. Loger la main d’œuvre a rapidement posé problème à la Cie des mines d’Anzin qui ne pouvait rester insensible. Il fallait en outre, pour faire face à la concurrence des autres compagnies et autres secteurs d’activités, intervenir pour fidéliser la main d’œuvre. La décision de construire des logements ouvriers sur Denain fut prise dès 1828, indépendamment des compagnies minières : il s’agissait de corons privés qui ne furent pas construits à proximité des exploitations (exemple : coron Boursier). Mais cet effort ne suffit pas à combler la demande croissante de logements : le rythme de construction était très lent et insuffisant (une dizaine de logements par an). Finalement, en 1831, la Cie des mines d’Anzin décida de bâtir dans la rue Villars ce qui allait devenir le coron Jean Bart, ceci sans qu’un nombre définitif de logements à construire ne soit arrêté. La réalisation de constructions ne se prévoyait alors qu’au fur et à mesure des besoins. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 12

ci-dessous : cadastre de Denain en 1810, 1851 et 1898

Ce coron fut implanté le long de la route d’Abscon reliant Valenciennes à Douai, en plein cœur de Denain, près de la fosse éponyme. L’une des spécificités de ce coron est qu’il fut construit en centre ville alors que par la suite, on préféra l’extérieur des bourgs. Le rythme des constructions s’établit ainsi : En 1835 : 60 logements en continu à proximité de la fosse Jean Bart. En 1850 : 26 logements et un logement de chef, isolé de la barre. En 1851 : 53 logements (voir plan). En 1907 : un second logement de chef fut construit pour clore le chantier. ci-dessus : plan de la cité Jean Bart

Organisation Dans le premier chapitre de son livre Germinal, Émile Zola fait la description du coron Jean Bart. Face à ce coron, on trouve l’estaminet d’Émile Basly, où Zola s’est rendu lors de la rédaction de son roman (c’est aujourd’hui un magasin). Les logements sont construits par groupe de dix. On emploie le terme de “dizaine” pour désigner ces ensembles. S’y rattachent des équipements collectifs, à savoir, pour trente familles, une pompe à bras, dix cabinets et un four à pain. Avant 1851, les logements n’ont qu’un étage. Après 1851, ils en compteront deux. L’aménagement intérieur des logements est médiocre. Les logements sont petits et adossés. Ils se composent de deux pièces au rez-de-chaussée (une cuisine constituant la salle commune, une chambre ou salle à manger) et d’une cave. Ils disposent de deux chambres à l’étage et d’une chambre mansardée supplémentaire pour les logements datant de 1851. Il convient de signaler que la situation démographique imposait le cohabitation des générations : plusieurs membres d’une même famille se partageaient l’espace avec, comme pièce commune, la cuisine. À l’usage, les logements construits en 1851 offraient bien une chambre supplémentaire mais en contrepartie d’une surface totale et d’un confort moindres. Car les façades impeccablement alignées servaient surtout à évoquer la puissance de la Compagnie des mines d’Anzin, sans faire grand cas du confort des locataires. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 13

Spécificité du coron Jean Bart La spécificité du coron repose sur ces mêmes logements. En effet, la Cie des mines d’Anzin décida de diversifier ses constructions (notamment par l’augmentation des types de logements) et de marquer ainsi sa toute puissance. Cela se traduisit par une ornementation sur les portes, fenêtres et corniches au design particulier contrastant avec le style rectiligne ci-dessus : typique des corons traditionnels. Ces maisons furent r ue de Villars et le coron Jean Bart construites dans un réel souci architectural et constituaient, au XIXe, l’aristocratie de l’habitat ouvrier. Elles ne présentaient pas moins de neuf styles architecturaux différents dans lesquels l’agencement des briques, par exemple, devenait élément de décoration tout comme l’insertion, ici et là, de grés et de pierres bleues. Ces habitations à deux étages furent construites par groupe de dix. Il s’agit de maisons d’angle à fronton, à pilastre, œils-de-bœuf et médaillons en fonte. Les fenêtres sont tantôt en plein cintre, tantôt ornées de linteaux ouvragés. Il est remarquable que la présence de jardins soit limitée dans les corons “urbains”. Autre particularité, la situation géographique du coron est propice à l’installation de plusieurs commerces, comme Jules Mousseron l’évoqua dans un poème.

ci-dessous : 1- œil-de-boeuf avec médaille de fonte en son centre ; 2- appareillage en écailles de poissons (les briques plates sont disposées en oblique, leur inclinaison change de sens à chaque couche) ; 3- devanture du bâtiment.

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La reconversion Il reste aujourd’hui peu de traces de la fosse Jean Bart mais elles sont d’importance. Le puits et le carreau de la fosse sont enfouis sous un centre commercial. Rien ne laisse supposer qu’une exploitation minière ait existé à cet endroit, hormis une œuvre d’art réalisée en 1994 par un artiste douaisien, M. Christian Delimage, à l’occasion de l’ouverture du magasin. On trouve, sur le site de la fosse Jean Bart, une pompe à eau qui dépendait autrefois du coron Zola, coron qui n’était rattaché à aucune fosse particulière et où logeaient des mineurs qui travaillaient dans les puits avoisinants. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 14

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1 - de 1905 à 1943 2 - (re)jointoyer : en maçonnerie, combler à nouveau, dans leur partie apparente, les joints existant entre les briques avec du mortier ou du plâtre et les lisser

La majeure partie du coron Jean Bart a fait l’objet d’une démolition en 1976. En effet, suite à la cessation définitive de toute activité minière, il n’accueillait plus que quelques familles de retraités. Les ouvertures de portes et fenêtres furent murées après le départ des occupants. Une partie du coron fut aménagée par la Société des Houillères pour y installer une école ménagère qui compta jusqu’à 300 élèves. D’importants travaux furent réalisés à l’intérieur du bâtiment. Ce corps de bâtiment ayant aussi abrité le logement de Jules Mousseron (1), poète renommé et mineur de fond, il fut décidé que l’immeuble ne serait pas détruit. Cependant, il fut laissé à l’abandon et squatté, un incendie causa même l’effondrement d’une partie de la toiture. Finalement, la décision de réhabiliter le coron fut prise par la municipalité, en 1977, afin d’y installer une maison des associations, puis une école de musique. Ceci fut fait dès 1982. La façade du bâtiment a été conservée, sablée à l’eau et au fine verrerie. Les briques ont été rejointoyées (2) à l’ancienne. L’arrière du bâtiment a été clôturé par une grille. Un soin particulier a été apporté à l’aménagement de cette cour (parking pour les cycles, espaces plantés, cheminements en pavés autobloquants). L’intérieur a été aménagé comme suit : au rez-dechaussée, on trouve une habitation de concierge, les bureaux administratifs, quatre salles d’une vingtaine de mètres carrés et deux salles de 120 m2 (l’une est réservée à l’Union des chorales et de l’harmonie, l’autre constitue un auditorium où se produisent des orchestres de chambre dont celui de l’école de musique. Les classes d’art dramatique y jouent également des pièces). fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 15

Le premier étage comprend 9 salles et le second 6. Les équipements ont été choisis en fonction des besoins des utilisateurs : les murs intérieurs ont été revêtus d’une matière projetée qui atténue la résonance du son d’une pièce à une autre, les ouvertures du côté de la rue Villars ont reçu un vitrage particulier qui abaisse les nuisances sonores de 28 décibels (les bruits de l’extérieur sont à peine audibles) et des filtres sur les fenêtres isolent les salles du bâtiment des regards inopportuns. Les systèmes de chauffage et d’éclairage ont également été soignés. Une plaque commémorative a été apposée sur le mur de ce qui fut la maison de Jules Mousseron. Quant à l’aménagement intérieur, il n’a plus rien à voir avec ce qu’il était à l’origine pour une raison simple : son bureau a été reconstitué ailleurs, au musée municipal de Denain, dans une salle qui n’a pas les mêmes proportions.

La fosse Périer 1- L’exploitation La fosse se situait au centre du coron Périer, entre le “Grand” et le “Petit” Périer. Elle fut creusée en 1841 et l’extraction y débuta en 1859, jusqu’en 1918. Il s’agissait d’un petit puits, donnant un faible tonnage. Les bâtiments de la fosse Périer, représentés sur les plans cadastraux datés de 1851 et 1898, sont longtemps restés en excellent état : ils étaient encore utilisés jusqu’à leurs récentes démolitions. Lors des démolitions susdites du coron Périer, on a retrouvé l’emplacement exact du puits. C’est assez rare : dans tout le bassin minier, il est de nos jours difficile de retrouver les entrées des puits de mine. À Denain, sur 15 puits, 3 entrées seulement ont été découvertes et rebouchées, permettant notamment la surveillance des gaz de dégagement.

2- L’habitat associé La fosse étant située au centre du coron, le mineur avait quasiment son lieu de travail à la porte de son habitation. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 16

ci-dessus : une plaque de signalétique identifie l’endroit où une figure locale de la littérature patoisante a longtemps vécu ci-dessous : reconstitution du bureau de Jules Mousseron

Dans le coron du Grand Périer, les habitations étaient disposées dos à dos. Chacune ne possédait qu’une seule pièce. Le jardin était commun aux deux familles. Dans le coron du Petit Périer, les logements avaient deux pièces en bas et deux en haut. Le Grand Périer était composé de trois lots de maisons, le Petit Périer de deux lots, une séparation le coupant au milieu. Entre les deux corons Périer, il existait un habitat indépendant des corons. L’emprise au sol de la cité était de 11 000 m². Au total, le coron Périer était constitué de 61 logements : - 23 logements, de type F4 d’une surface de 114 m2, contigus les uns aux autres construits en 1835, composés d’un rez-de-chaussée et de combles (type Villars) ; - 38 logements semi-continus et continus construits en 1847, identiques aux précédents mais de surface moindre (77 m²). Les habitants du coron bénéficiaient d’un four à pain , ils s’alimentaient en eau à une pompe commune et profitaient de la proximité de commerces (boucherie, estaminet...). En 1931, le Grand Périer - dit aussi “Quartier Périer” - comptait 43 maisons, logeant 100 habitants. À la même époque, le Petit Périer (ou “Second Périer”) était composé de 19 maisons, logeant 55 habitants. Sur le plan cadastral de 1851, on distingue très bien le Grand Périer du Petit Périer et les trois fours à pains. Sur le plan cadastral datant de 1898 ont été ajoutés les carins, petits débarras servant de lieu de stockage des produits du jardin. Un jardinet sur deux environ était pourvu d’un colombier. On aperçoit la gendarmerie du coron, détruite il y a une dizaine d’années. Après le départ des derniers mineurs, les maisons ont été abandonnées. L’habitat était dans un état de délabrement très avancé lorsque les deux corons ont été rasés en 1996. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 17

La reconversion À l’emplacement des corons délabrés ont été bâtis de petits logements sociaux. Les deux résidences nouvellement construites reprennent l’emplacement des corons. Un léger retrait par rapport à la voirie, qui n’existait pas à l’origine, a cependant permis l’adjonction de jardinets à l’anglaise. Le nom «résidence Périer» a été conservé en mémoire des mineurs. Le secteur de Périer a été rénové. Là où commençait le coron est maintenant érigé un monument dédié aux anciens combattants. Les choix architecturaux de rénovation ont permis d’éviter la monotonie et d’embellir la ville.

Fosse de L’Enclos Le secteur de L’Enclos peut se délimiter de la façon suivante : au nord le centre commercial, à l’Est la rue Émile Zola et le boulevard Charles de Gaulle, au sud le canal de l’Escaut et à l’ouest un bras du canal reliant l’Escaut à la gare d’eau. Cette fosse tire son nom du domaine des dames chanoinesses, qui ont administré la ville pendant environ 1 000 ans, jusqu’à la Révolution de 1789. Deux puits y ont été creusés, mais aucun habitat propre à cette fosse n’existe. Ne subsistent sur ce secteur qu’un terril plat, une mine image et le pont aux arcades (photo page suivante), intégrés au parc Zola.

1- L’exploitation Deux puits ont donc été creusés à la fosse L’Enclos. Le premier date de 1853, son exploitation a commencé en 1858 pour se terminer en 1936. Le deuxième a été creusé en 1891 et fut exploité de 1893 à 1936. Les deux puits furent fermés respectivement en 1955 et 1953 mais l’activité continuait en sous-sol, le charbon extrait était comptabilisé par la fosse Renard.

fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 18

ci-dessus : plan cadastral de la fosse L’Enclos

ci-dessous : péniches en attente dans la gare d’eau

Le terril associé à la fosse L’Enclos est un terril plat, le seul à Denain qui ait cette forme. Une portion est située de l’autre côté de la voie rapide. Il s’étendait sur environ 30 hectares soit une superficie trois fois plus grande que le terril Turenne. ci-contre : chargement d’une péniche par les cafus

Une partie de la production était acheminée par péniche ou train, selon sa destination, via une grande infrastructure fluviale et ferroviaire prévue à cet effet. La gare d’eau permettait aux péniches d’attendre leur chargement en charbon : chacune à leur tour, elles se présentaient alors pour être chargées de coke par les femmes et enfants embauchés pour cette tâche puis elles repartaient en empruntant le canal de l’Escaut. L’autre partie de la production était acheminée par train aux différentes usines de la région.

ci-dessus : le pont à deux arcades dans son état actuel

Ce train empruntait un pont en briques à deux arcades pour franchir la rivière des moulins et rejoindre le rivage. La voie d’eau amenait entre autre la farine au moulin Doisy, ancienne propriété des dames chanoinesses. Un pont-levis (aujourd’hui soudé) subsiste, il permettait le passage des péniches. Une partie de la production restait sur place. En effet, une cokerie était implantée sur le site même de la fosse elle utilisait directement le charbon extrait des deux puits. Il n’existait pas d’habitat associé à la fosse L’Enclos, les mineurs de L’Enclos habitaient les corons voisins : Jean Bart, Zola et peut-être des corons privés.

2- La reconversion Le terril L’Enclos, qui occupait une très grande superficie, a connu plusieurs destinées : remblaiement de marais, utilisation du schiste pour des infrastructures routières et reconversion en espace vert. Le site de la fosse abrite également un ancien centre d’apprentissage pour les galibots, plus connu à Denain sous le nom de “mine image”. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 19

Le terril et ses schistes L’actuel terril L’Enclos, seul terril plat de Denain, a diminué de volume. Ses schistes ont servi au remblaiement d’une des gares d’eau, remplacée par une voie express et au remblaiement des marais avoisinants. Ainsi, le Collège Villars, les lycées Mousseron et Jurénil sont implantés sur d’anciens marais. Le terril a aussi fourni la matière première pour l’autoroute Paris-Bruxelles.

Le schiste rouge Il est utilisé pour constituer des remblais routiers et autoroutiers, couches de forme de chaussée, assises de chaussée de lotissement, pistes cyclables, trottoirs et remblais pour les voies de chemin de fer. (revue Relais - mai 1942)

Le parc Zola Denain a procédé à la réhabilitation de cette friche industrielle. Ainsi, un parc arboré a été élaboré en concertation avec la population et remplace désormais le site de la fosse L’Enclos. L’aménagement du site constitue l’une des actions entreprises au niveau régional aux endroits où l’environnement était le plus dégradé par les activités industrielles. Ces opérations de réhabilitation de sites dégradés par l’exploitation charbonnière ont été subventionnées par l’État aux taux de 75 %. Ce site a été acquis par la municipalité de Denain pour être inclus dans un vaste projet de rénovation urbaine et de restructuration de centre ville. L’aménagement du parc de la gare d’eau s’est établi sur plusieurs années afin d’étaler la charge budgétaire de ce projet. Les différentes étapes d’aménagement ont été : - modifications paysagères des darses et remodelage du terril ; - plantations ; - mise en place des éléments de superstructures (passerelle de franchissement de l’entrée sud, pont sur la rivière des moulins, équipement d’accueil, kiosque) ; - l’aménagement du secteur proche du centre commercial et l’aménagement sommaire du terril boisé ; - travaux de finitions et de liaison paysagère entre les établissements scolaires et le parc sur les emprises de la rue Émile Zola. Au final, le parc inclut trois zones, chacune avec un caractère spécifique : un secteur très urbain finement paysager, un espace de transition et un secteur à l’ambiance plus sauvage permettant des activités libres. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 20

ci-dessus : berges de l’Escaut

ci-dessous : le parc Émile Zola (repéré par un zonage en trait pointillé sur le plan de la page 7)

Cette réalisation avait pour but principal de donner une nouvelle image de la ville de Denain mais également de pourvoir son centre d’un poumon vert offrant à la population la possibilité de promenades, de ballades et de jeux extérieurs en famille dans la ville même, à l’endroit d’un site particulièrement dégradé autrefois. Cette reconversion a été inaugurée en mai 1980 et achevée en 1981.

La mine image Une autre reconversion est à noter : celle de la mine image. Cette installation date des années 40, elle fut construite sur le site de la fosse L’Enclos et servait à former les galibots aux métiers de la mine, à la technique du boisage notamment. Sa construction est postérieure à l’exploitation des puits de la fosse L’Enclos mais elle fut utilisée pour la formation des galibots destinés à travailler dans les fosses encore en activité de la région. fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 21

Un terrain de sport était associé à la mine image pour les jeunes apprentis. Celle-ci est un rare témoignage de l’histoire minière. Aujourd’hui, ce site a été sauvé, même si une partie a été démolie pour des raisons de sécurité et le reste enseveli : il subsiste la structure en béton et briques, les aérations et les ateliers qui imitent les différents types de galeries souterraines. Ce secteur de L’Enclos, vaste zone dégradée par l’exploitation du charbon, est devenu au fil du temps et des projets d’aménagement un poumon vert pour la ville de Denain.

ci-dessus : une vue de la mine image provisoirement recouverte à fin de préservation

ci-dessus : schémas établis suivant les indications de M. Alfred Despres, mineur retraité qui y fut formateur

fosse Villars, fosse Jean Bart, fosse l’Enclos et le quartier Périer / page 22

Pour sécuriser une galerie avant d’exploiter une veine de charbon, les mineurs mettent en place le boisage, une technique enseignée au galibot dans la mine image. Le boisage est l’art d’édifier une charpente destinée à contenir les parois des galeries contre tout éboulement. D’abord en bois (sapin des Ardennes), les poutres ont ensuite été fabriquées en métal, les rendant réutilisables, pour ainsi dire, à l’infini. Le passage du boisage traditionnel à l’étançon métallique fut plutôt mal vécu par ceux, parmi les mineurs de fond les plus expérimentés, qui savaient interpréter le moindre gémissement émis par le bois sous l’effet de la pression. D’autre part, un compte régulier des étançons était effectué par un contrôleur. Chaque étançon manquant à l’appel, perdu après le foudroyage, était débité sous forme d’amende de la paye du mineur mis en cause. Pour autant l’abattage continuait pendant les recherches menées pour retrouver les étançons perdus... Dans le cas, très fréquent, de veines de faible épaisseur, pour sécuriser la galerie avant de s’y faufiler sur le dos afin d’y extraire le charbon, le mineur mettait en place l’étançon de quarante centimètres dit “étançon à un trou”.

Principales sources bibliographiques - Cadastres de Denain 1810, 1847 et 1897 - Cartes d’état-major 1841 - 1858 (?) - Cartes IGN 1/25 000e n°2006 ouest, 1993 BREITMAN (Nada et Marc) Les maisons des mines, éditions Mardaga F ENAERT (Frédéric) Industrialisation, croissance démographique et urbanisation : la compagnie des mines d’Anzin et le denaisis , mémoire de maîtrise, université de Lille III, 1990 L EBON (André) Le pays minier au temps de Jules Mousseron , édition La Voix du Nord, 1999 L E MANER (Yves) Du coron à la cité : un siècle d’habitat minier dans le Nord - Pas-deCalais, 1850-1950 collection « Mémoires de gaillette » n°1, 1995 T URGAN (Julien) Les grandes usines en France et à l’étranger, édition Calmann Lévy, 1882 Le Livre d’Or de DenainAnzin , réédition Guy Cattiaux, 1992 1 - cartes au 1/80 000e dites “d’état-major” établies au XIXe siècle par les services de l’Étatmajor. Elles étaient destinées à tracer des chemins sur le terrain à l’usage des opérations militaires d’infanterie. Celle du Nord, avec Denain, peut être datée entre 1841 et 1858. Nous n’avons pas trouvé d’éléments assez précis pour donner une datation plus juste. 2 - carte IGN n° 2606 ouest au 1/25 000 e révision de 1993

Secteur d’étude n°2 Les quartiers Bellevue et Chabaud-Latour auteurs : Emmanuel Gallet, Nathalie Jadem, Bruno Masetty, Magali Spychiger référents : Charles Bernier, Jean-Marie Boulanger Le choix de réunir ces deux quartiers dans une étude comparative peut interpeller. Espacés de plusieurs kilomètres, avec un destin bien différent, ils ont toutefois de nombreux points communs qu’il est intéressant de détailler.L’extraction du charbon n’a été qu’un court épisode - les deux fosses étant inexploitables - mais Bellevue et Chabaud-Latour ont logé des mineurs pendant des décennies et ont connu les vagues successives de constructions de logements ouvriers.

Le Quartier Bellevue Le quartier est situé sur le plateau dominant l’Escaut. Le point culminant (47 m d’après la carte d’état-major (1) et 45 m d’après l’IGN (2)) est au croisement de deux routes anciennes : le chemin de grande communication n° 24 d’Hélesmes à Haulchin et le chemin vicinal ordinaire n°13 d’Escaudain à Haveluy. Avant l’urbanisation, de ce promontoire la vue était imprenable sur les environs, d’où ce toponyme. Le premier cadastre (1810) mentionne 2 bâtiments au nord-ouest du carrefour, peut-être une ferme. La Compagnie des mines d’Anzin débute le creusement de sa 8e fosse à Denain en 1834. Le site de Bellevue présente l’immense avantage d’être au bord de 2 axes de communication, dont l’un rejoint, dès 1838, la gare de chemin de fer de la ligne Denain-Anzin. On creuse au nord de Denain pour espérer trouver les veines de charbon gras moins profondément. L’extraction déçoit par la quantité recueillie. De 1835 à 1843, la production totale est de 1 462 t. La production est arrêtée en 1843 car les veines sont nettement moins épaisses que d’ordinaire (seulement 20 cm) et la présence d’une faille rend difficile toute extraction. Tableau récapitulatif de la production de charbon

Année

1835 1836 1837 1838 1839 1840 1841 1842 1843

Production en tonnes 72

205

114

41

52

443

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 23

203 198

134

Dès 1835, les premiers corons sont construits : un coron de dix logements au sud de la fosse, une ligne de trois corons (8-9-10) (1) et deux lignes de deux corons (6-6, 8-8) à l’ouest, de l’autre côté de la route de grande communication n°24. Ces 55 logements appartiennent à la première génération d’habitations construites par la Compagnie des mines d’Anzin. Malgré la fermeture de la fosse Bellevue, la petite cité minière continue à vivre. Les mineurs sont employés sur les autres puits de mine, dont les plus proches ne sont qu’à quelques centaines de mètres, comme la fosse Bayard, située à proximité de la voie de chemin de fer. Le quartier de Bellevue connaît un nouveau départ avec le creusement de la fosse de Lambrecht à Wallers en 1879, qui appartient également à la concession de la Compagnie des mines d’Anzin. Cette concession est située en rase campagne, mais elle n’est qu’à 1 300 m de Bellevue. Dès les débuts de l’extraction du charbon, en 1882, la production semble prometteuse. Cette même année, le quartier s’agrandit pour accueillir l’afflux de mineurs de fond : 54 logements en trois lignes de deux corons (10-9 ; 9-9 ; 9-8 logements) sont construits perpendiculairement aux corons plus anciens. Sur chaque ligne, entre les deux corons, se trouvent un four à pain ainsi qu’une pompe à eau. Les logements sont de type “1867 en ligne”, répondant mieux aux attentes des mineurs. Neuf ans plus tard, en 1891, quatre maisons sont ajoutées, elles offrent un habitat plus intime à leurs occupants, chaque bâtiment n’ayant que deux logements. Les trois premières, en partant du nord, sont de type “1867 à 2 logements”, la dernière dite “de chef” est surmontée d’un étage et sa façade est plus travaillée. Ces huit nouvelles familles disposent d’équipements collectifs propres. Avec l’augmentation de la population, les habitants réclament la construction d’une école primaire. Plusieurs pétitions circulent et sont déposées auprès de la municipalité. En 1887, la ville obtient de la Compagnie des mines d’Anzin la cession de 10 ares de terrain. L’école des garçons ouvre pour la rentrée de 1889, celle des filles en 1893. En 1888, la Compagnie des chemins de fer du Nord inaugure sa gare à Denain, située au nord de la ville. Elle devient, sept ans plus tard, le point de départ de la ligne de train-tramway reliant Saint-Amand-les-Eaux. Cette ligne de tramway passe au sud de Bellevue, à 500 mètres du carrefour, ce qui désenclave le quartier (2). quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 24

1 - 8-9-10 : trois corons de successivement huit, neuf et dix maisons . Les corons sont séparés par un chemin. 2 - à l’époque, le tramway s’arrête n’importe où, à la demande des voyageurs. Ces arrêts à répétition réduisent bien évidemment sa vitesse de progression !

1 - André Jurénil, de son vrai nom Julien Renard, était homme de lettres et historien 2 - le baron Arthur Henri Alphonse de ChabaudLatour fut député de 1871 à 1876 pour le département du Cher. (source : site internet de l’Assemblée Nationale)

La troisième vague de construction de maisons dans ce quartier est entreprise en 1923. Ce nouvel ensemble est situé au sud du bâti présent, entre l’ancienne fosse de Bellevue et la ligne de tramway. Ce sont des demeures à deux ou quatre logements de type “1922 modèle 1923” avec jardin entourant. Ces constructions permettent de loger 82 familles supplémentaires. En 1932, une des brasseries de Denain, celle de la rue Scheurer Kestner s’installe à Bellevue. L’année suivante, la fosse de Lambrecht, où furent abattus plus de 6,35 millions de tonnes de charbon, cesse son activité. Jusqu’au remblaiement et la destruction de toutes les installations de surface en 1955, ce puit continuera à assurer l’aérage pour d’autres carreaux de fosse. Les mineurs logés à Bellevue doivent alors se déplacer vers d’autres carreaux pour travailler. Le train-tramway disparaît au début des années 1960, il est remplacé par un service de bus. En 1982, la Société immobilière de l’Artois construit, à l’ouest du quartier de Bellevue, un lotissement moderne composé de 38 maisons, la cité Jurénil (1).

Le quartier Chabaud-Latour Le quartier de Chabaud-Latour est construit légèrement à l’écart du centre de Denain, avec toutefois une continuité du bâti par l’ouest. ChabaudLatour est le nom du neveu par alliance de Casimir Perier. Son fils, le baron Arthur Henri Alphonse de Chabaud-Latour est connu parce qu’il fut député de 1871 à 1876 (2) puis président de la Compagnie des mines d’Anzin en 1877 et enfin régisseur de 1899 à sa mort en 1910. Ce quartier est divisé en deux par la rue Pierre Nève, “l’Ancien” à l’ouest de la rue, “le Nouveau” à l’Est. Sur de nombreux plans et cartes, il y a une erreur de dénomination pour la partie la plus à l’ouest de l’ancien quartier, les trois lignes de maisons jumelées par deux, datant de 1891, ont souvent comme dénomination “cité Ernestine”. Il y eut une activité minière dans ce quartier, avant la construction des premiers corons. Ce puits de mine s’appellait-il Chabaud-Latour en souvenir du président de la compagnie ? celui-ci avait trois ans quand commença le creusement...Nous n’avons trouvé aucune source précise concernant cette fosse, mais on sait qu’elle fut fondée en 1842 et que du charbon en fut extrait de 1847 à 1853. quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 25

Elle fut fermée suite à une venue d’eau importante qui ne put être maîtrisée. Les quantités produites sont négligeables : en tout et pour tout 595 tonnes. La destruction des installations de surface et le remblaiement du puits s’effectuent en 1877. Année

1847 1848 1849 1850 1851 1852 1853

Production en tonnes

25

384

0

0

0

0

186

à gauche : tableau récapitulatif de la production de charbon sur Chabaud-Latour

Les premiers corons sont construits, en 1870, autour de l’ancien carreau toujours existant. Ils sont de type “1867 en ligne”. Avec huit lignes de corons, (d’Est en Ouest : 8-8-1 ; 0-8 ; 3 lignes de 8-8 et 3 lignes de 8-7. Soit 118 logements). Chaque ligne de corons a son four à pain et sa pompe à eau. Cinq ans plus tard, la Cie des mines d’Anzin ajoute trois lignes de 6-4 logements, ce sont des maisons abritant deux familles chacune. Dès les débuts de Chabaud-Latour, les ouvriers doivent parcourir des distances plus ou moins longues pour se rendre sur leur lieu de travail. En effet, dans les années 1860, la compagnie rationalise le grand nombre de fosses creusées à Denain. De 1858 à 1868, huit fosses sur les 13 ferment. Celles qui restent sont : 1924

Fermeture

Distance en Km (1)

Fosse

1870

Villars

x

1875

1,5

Turenne

x

1887

1,6

Bayard

x

1887

1,6

Enclos

x

x

1936

2,3

Renard

x

x

1948

2,8

En 1924, la Compagnie des mines d’Anzin construit de nouveaux logements à Chabaud-Latour, mais cette fois-ci de l’autre côté de la rue Pierre Nève. Ce sont des demeures avec deux (15 maisons) ou quatre logements (19 maisons). Elles sont de type “1922 modèle 23”. Chabaud-Latour et Bellevue, deux quartiers excentrés de Denain au développement proche, ont un destin différent. Chabaud-Latour, intégralement conservé, a été rattrapé par l’urbanisation et se retrouve désormais au cœur quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 26

1 - les distances sont calculées à partir du centre du quartier ChabaudLatour. Pour se rendre à certaines fosses, les mineurs pouvaient prendre le tramway , ce qui réduisait de beaucoup le temps de déplacement.

de la ville. Le quartier de Bellevue est encore nettement à l’écart du centre ville de Denain. Après une présentation rapide de ces deux quartiers, il est nécessaire de décrire les différentes vagues de constructions de logements, en montrant les similitudes et les différences.

L’habitat minier des quartiers Bellevue et Chabaud-Latour L’habitat du bassin minier du Nord – Pas-de-Calais se caractérise par la diversité des types de logements construits par les compagnies. Si les matériaux restent de tous temps ceux utilisés dans le Nord, à savoir la brique et la tuile, l’architecture des logements a cependant évolué pour répondre à une double logique d’amélioration des conditions de vie des mineurs et de distinction des compagnies. C’est ainsi que dès 1825, les corons ou alignements de maisons ont fait leur apparition. Les années 1870 ont vu l’avènement des cités minières formées de groupes de deux à quatre maisons entourées de jardins. Dès le début du XXe siècle, les cités-jardin, où prédominent les lignes courbes et les espaces verts, se sont développées. La Compagnie des mines d’Anzin a construit dans le Denaisis divers modèles de logements miniers. À Bellevue et Chabaud-Latour, quatre modèles distincts sont recensés : les modèles “vieux type” datant de 1835 ; le “type 1867 en ligne” ou à “2 demeures” ; le type “1867 logement de chefs” et le type “1922” à 2 ou 4 demeures (voir Annexe 1, p. 36).

1- Le vieux type 1 - L EBON (André) Le pays minier au temps de Mousseron, 1999 édition La Voix du Nord, p. 85 et 86

L’habitat “vieux type” a été construit en 1835 à Bellevue et formait un ensemble de 55 logements ouvriers. Le type dit “d’Anzin” (1) - dont il existe plusieurs variantes - va composer les premiers corons de Denain. Les ingénieurs de la compagnie ont privilégié l’aspect pratique en construisant près du carreau : sur le chemin qui mène à la mine, les bandes continues de petites maisons s’étendent, groupées par 6 à 10 logements. C’est cette disposition en rangs d’oignons qui permet de les assimiler à des “barres”. quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 27

L’architecture, simple et sans ornement, répond essentiellement au désir de réduire les coûts de construction : des jardins exigus (de 50 à 200 m²), des logements de petite taille (de 30 à 50 m²), des matériaux médiocres, une construction rapide et des murs porteurs réduits au strict minimum. Sur les photos ci-contre, on voit que l’implantation est perpendiculaire à la rue principale (rue Berthelot) qui mène au village de Denain. Des pignons aveugles marquent l’entrée du coron. La “voyette”, un chemin, en schiste à l’origine, sépare les maisons des jardins et constitue l’espace commun. La porte d’entrée des logements y débouche. À l’entrée des jardins, parcelles longues et étroites d’environ 100 m², se trouvent les dépendances particulières appelées “carins”. L’intérieur de ces maisons se compose d’une pièce unique au rez-de-chaussée (de 16 à 25 m²) à la fois cuisine et chambre pour les parents, une fenêtre donnant devant et une autre à l’arrière. L’étage est pourvu d’une ouverture, on y trouve une, deux ou trois chambres d’environ 8 m² chacune occupées par les enfants. Chaque logement dispose d’une cave qui sert notamment à entreposer le charbon et les pommes de terre. Enfin, en ce qui concerne les équipements collectifs, ils se réduisent à un puits commun ou une borne-fontaine situé sur la voyette et un fournil où les femmes de mineurs cuisent leurs pains et tartes. Les latrines communes sont dans un carin. Il y avait au total quatre fours et six pompes à eau pour 55 logements, cet habitat a complètement disparu de Bellevue aujourd’hui. Le quartier Chabaud-Latour construit plus tardivement est de conception différente.

2- Le type 1867 Le type 1867 en ligne Il s’agit de bâtiments alignés en continu, toujours de type “barre” appelés aussi “coron”. On en trouve dans les deux quartiers étudiés.

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 28

ci-dessous : coron de Bellevue, “vieux type”. Cette carte postale date probablement du début du XXe siècle, on y voit la façade-avant des logements

ci-dessus : photo du même quartier montrant l’arrière des logements (rasés en 1988)

1 - L E MANER (Yves) Du coron à la cité : un siècle d’habitat minier dans le Nord – Pas-deCalais, 1850-1950 collection « Mémoires de gaillette » n°1, 1995

ci-dessous : cette carte postale de 1913 (d’après le cachet de la poste) nous donne une idée approximative du quartier : sur la droite se trouvait un four à pain et à gauche, la pompe à eau

Ce type de construction représente une évolution par rapport au “vieux type” qui formait dans d’autres quartiers des barres de 20 à 30 logements alignés (ce n’était pas le cas à Bellevue). En effet, la construction de longs corons est définitivement abandonnée pour des barres plus courtes, alignant 7 à 9 logements tout au plus. Par ailleurs, la porte d’entrée du logement débouche sur la rue et les jardins sont désormais attenants à l’habitation et situés sur l’arrière. Les carins, que l’on distingue sur les plans cadastraux de 1897 sont bâtis en prolongement de la maison (Chabaud-Latour) ou séparés de l’habitation (Bellevue). L’étage est mansardé avec une lucarne, souvent remplacée par un encadrement de fenêtre en aluminium de nos jours Le “type 1867” dans le quartier Bellevue... 54 logements de ce type ont été construits en 1882. Nous n’avons hélas pas retrouvé de photos de cet habitat qui a été rasé en 1988. Cependant, il était similaire à ce que l’on trouve encore aujourd’hui sur Chabaud-Latour. Il est à noter que ce genre de construction, en 1882, fait exception à une époque qui voit le développement d’un habitat minier constitué de logements accolés par deux. « La Cie des mines d’Anzin figurait parmi les moins audacieuses en la matière puisqu’il faut attendre 1900 pour qu’elle abandonne définitivement la forme en corons et généralise les maisons jumelées avec jardin devant et derrière (1) ». ... et dans l’ancienne cité Chabaud-Latour Les 118 logements “type 1867 ligne” édifiés en 1870 demeurent encore aujourd’hui. Peu de transformations semblent y avoir été faites, seules des dépendances ont été ajoutées au fil des ans pour l’installation de sanitaires. Les photos ci-contre présentent cet habitat avant et après rénovations (sablage, ravalement des façades). quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 29

photo à gauche : - linteaux cintrés des ouvertures soulignés d’un ressaut de briques ; - traitement ornemental de la corniche par des briques apparaissant alternativement en creux puis en relief ; - ancres cruciformes. photo à droite : le pignon, toujours aveugle sur ce type d’habitat, est traité de manière ornementale par l’ajout d’une fausse fenêtre ci-dessus : le ravalement permet de mettre en valeur les détails architecturaux

Le type 1867 à 2 demeures Il s’agit en fait du type “1867 en ligne” modifié. Les bâtiments sont désormais jumelés.Voici les différences que l’on peut observer : - les logements sont groupés par deux ; - l’entrée se fait désormais sur le côté de la maison, une avant-cour séparant le seuil de la rue ; - l’étage possède une fenêtre donnant sur le pignon, qui remplace la lucarne du modèle en ligne ; - l’accès au jardin (plus large) se fait en contournant la maison ; - le carin où le mineur prenait son bain au retour de la mine, sépare deux groupes d’habitations et empêche le vis-à-vis. Le“type 1867 à 2 demeures” dans le quartier Bellevue... Six logements de ce type ont été construits en 1891 (voir Annexe 1, p. 36). Ils faisaient partie de ce que les habitants du quartier appellent aujourd’hui le “coron des chefs” en ce sens qu’ils abritaient des porions (1). Ils avaient leur propre four à pain qui subsiste aujourd’hui.

1 - agent de maîtrise de fond, contremaître.

photo à gauche : vue sur les 6 logements de type “1867 jumelés” le four à pain est au milieu de deux groupes de maisons photo à droite : gros plan sur le four à pain, le dernier de Denain

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 30

...et dans l’ancienne cité Chabaud-Latour Trente logements ont été bâtis sur ce modèle en 1875. Aujourd’hui, on constate que le carin d’origine est souvent détruit pour être remplacé par un garage ou de simples barrières délimitant les propriétés, cette tendance correspond à la demande actuelle des habitants.

L’ intérieur d’un“type 1867” et les équipements collectifs Qu’ils soient en ligne ou jumelés les logements de ce type ont la même configuration intérieure. L’espace s’est agrandi par rapport aux corons construits en 1835, la surface habitable approche 70 m². Le rez-de-chaussée se compose de deux chambres, dont l’une sert de cuisine, l’autre de chambre à coucher. La porte d’entrée donne sur une colonne, d’où part l’escalier qui monte à l’étage, où l’on trouve une modeste pièce et un grenier.

ci-dessus : logement de type “1867 jumelés”

En ce qui concerne les équipements collectifs (fournils et bornes à eau), pas amélioration notable. Le plan cadastral nous révèle même qu’à Chabaud-Latour, ils sont proportionnellement moins nombreux au regard de ceux des corons de Bellevue (1835). On compte effectivement, dans Chabaud-Latour, 9 fours à pain et 7 pompes à eau pour 148 logements (pour rappel, respectivement 4 fours à pain et 6 pompes à eau pour les 55 logements de Bellevue).

Le type 1867 “logement de chefs” Seuls deux logements de ce type ont été bâtis en 1891 dans un des quartiers étudiés, Bellevue, dans le “coron des chefs”. De type jumelé, ils se distinguent du modèle vu précédemment par la taille, le nombre d’étages, la disposition des pièces et une architecture plus soignée : pignons monumentaux, œil-de-bœuf, fausses fenêtres symétriques...

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 31

3- Le type 1921-1922

(1)

Cette typologie correspond à la vague de constructions survenue après la 1ère guerre mondiale durant laquelle se développent de grandes cités construites hors de la ville. Ainsi, les quartiers de notre étude se sont agrandis de 88 logements sur Chabaud-Latour et de 84 sur Bellevue. À Chabaud-Latour, la rue Pierre Nève, dénommée autrefois chemin d’Haveluy sépare le quartier en deux pour former ce que l’on appelle aujourd’hui “l’Ancienne cité Chabaud-Latour” et la “Nouvelle cité Chabaud-Latour”. On distingue deux modèles, celui à 2 demeures et celui formant un bloc de quatre demeures.

1 - sachant que sur ces quartiers, les sources documentaires mentionnent le “1921” modifié en “1922” ; le “1922” modifié en “1923” et que nous n’avons pas trouvé de différences notoires entre les deux modèles, nous ne les distinguerons pas

Le modèle 1921-1922 à deux demeures On compte 30 logements de ce type construits en 1924 à Chabaud-Latour et quatre à Bellevue datant de 1925. Peu de différences sont à noter entre ces logements. On remarque cependant des transformations à Bellevue : construction de garages, modification en conséquence de l’entrée du logement. Sur la photographie prise à Bellevue, le groupe de maisons sur la gauche correspond au “type 1867 à 2 demeures”, ce qui permet de comparer les deux styles architectoraux. à gauche : cité Bellevue à droite : nouvelle cité Chabaud-Latour

Le modèle 1921-1922 à quatre demeures 78 logements bâtis en 1923 se situent à Bellevue et 58, datant de 1924, à Chabaud-Latour. Les nouveautés concernent surtout les dépendances qui sont situées à l’arrière ou sur le côté de la maison : - soit accolées, il faut sortir de l’habitation pour y accéder ; - soit en prolongement de la maison, avec un accès direct.

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 32

Par ailleurs, les parcelles carrées des jardins situés devant la maison sont mieux proportionnées. L’agencement des logements préserve la vie privée, une impression renforcée par la porte principale qui s’ouvre sur une allée privative. Enfin, à la veille de la 1ère guerre mondiale, l’usage du four collectif est abandonné avec l’apparition des boulangers. Quant à l’eau courante, elle a été installée dans les années 50 dans tout le quartier. à gauche : cité Bellevue

à droite : cité Chabaud-Latour

En conclusion, il paraît opportun de s’intéresser au devenir des cités

Présentation du G.I.R.Z.O.M. Il est nécessaire de se pencher sur ce groupe interministériel, ses déclinaisons, afin de mieux appréhender les logiques et les enjeux des territoires miniers.

Le fonctionnement du GIRZOM (1) 1 - Groupe Interministériel pour la Restructuration de la ZO ne M inière 2 - Comité Interministériel d’A ménagement du Territoire 3 - Voiries et Réseaux D ivers

La mise en œuvre de la politique de restructuration du bassin minier a nécessité la création de structures administratives originales et complexes. Leur originalité a reposé sur la volonté des pouvoirs publics d’associer étroitement tous les partenaires, et notamment les élus locaux, à la définition et à la réalisation des objectifs. Le CIAT (2) a retenu, en février 1971, quatre objectifs dont le classement des VRD (3) dans le domaine public communal et le lancement d’un vaste programme de rénovation du patrimoine immobilier. Le GIRZOM a ensuite été crée afin de mettre en pratique ces objectifs. quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 33

On peut distinguer :

Le groupe national du GIRZOM Il constitue le pouvoir de décision. La présidence est attribuée à un ingénieur en chef des ponts et chaussées. Le secrétariat est assuré par la DATAR (1). Les membres présents sont : - des représentants de certains ministères : Intérieur ; Économie, finances et industrie ; Environnement. D’autres ministères peuvent être présents si le besoin s’en fait sentir. Le commissariat général au plan est également représenté ; - les préfets de région et de département ; - des représentants de Charbonnages de France et des Houillères de bassins ; - des collectivités locales ; - des personnalités : experts…

Le groupe régional du GIRZOM Il a pour but de définir des priorités du projet de rénovation des cités minières (devenu un enjeu régional). Ainsi, pour la région, 11% des crédits alloués vont au secteur de Valenciennes et 23% à celui de Douai. La présidence est attribuée au préfet de région. Le secrétariat est assuré par la mission économique régionale. Les membres sont : - des représentants des collectivités locales (regroupées au sein de l’association des communes minières) ; - des représentants de la SOGINORPA (2) ; - des représentants des services régionaux et départementaux de l’État (ministères de l’Équipement ; de l’Économie, des finances et de l’industrie ; de la Jeunesse et des sports) ; - des représentants de la région Nord – Pas-de-Calais et des deux départements. Il y a pour la région Nord – Pas-de-Calais six aires géographiques : Auchel Bruay, Béthune, Lens-Liévin, Hénin-Carvin, pour le Pas-de-Calais ; Douai et Valenciennes pour le Nord.

quartiers Bellevue et Chabaud-Latour / page 34

1 - Délégation de l’Aménagement du Territoire et à l’A ction Régionale 2 - S Ociété de G estion du patrimoine Immobilier des Houillères du bassin du NORd – PAsde-Calais

1 - Société Immobilière de l’Artois

Le groupe local de l’arrondissement de Valenciennes est animé par le souspréfet. Il se compose des maires des 46 communes minières de l’arrondissement, dont bien évidemment Denain. Sa présidence est assurée par un des maires désigné par ses pairs. Son bureau regroupe, autour de son président, trois vices-présidents également maires de communes minières. Cette instance représente le groupe local lors de débats sur des questions diverses qui ne peuvent attendre la réunion plénière. La DDE intervient dans cette organisation au niveau de la programmation des opérations du GIRZOM élaborées conjointement avec l’ensemble des partenaires. Les membres sont : - direction régionale de l’Équipement (DRE) ; - direction départementale de l’Équipement (l’arrondissement concerné) ; - les représentants des communes de l’aire géographique ; - le conseil régional ; - le conseil général ; - la mission Bassin minier ; - les deux communautés d’agglomération ; - Charbonnages de France ; - la SOGINORPA et la SIA (1). ...et d’autres partenaires institutionnels. Dans le quartier Bellevue, les premières démolitions ont cependant été réalisées uniquement sur fonds propres par les Houillères nationales. La cité Bellevue a ainsi vu disparaître, en 1988, 109 logements (55 “vieux type” et 54 “type 1867”). Chabaud-Latour, quant à elle, n’a pas connu de programme de destruction. Les années 1979-1980 ont vu débuter sa rénovation ainsi que celle de la cité Ernestine.

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continu

continu

jumelé

1835

1882

1891

1891

1923

1925

Vieux type

1867 ligne

1867 à 2

Chef

1922 à 4 demeures

1922 à 2 demeures

jumelé

jumelé

jumelé

Typ e

Année de construction

4

78

2

6

54

55

Nombre de logements

néant

néant

1

3

4

Fours à pain

nombre inconnu

nombre inconnu

1

3

6

Pompes à eau

1924

1924

1875

1870

Année de construction

jumelé

jumelé

jumelé

continu

Typ e

30

58

30

118

Nombre de logements

9

Fours à pain

CHABAUD - LATOUR

7

Pompes à eau

TABLEAU RÉCAPITULATIF DE L’HABITAT MINIER

BELLEVUE

ANNEXE 4

Principales sources bibliographiques Brochure Denain Nouveau monde, 1901-2001, Le Sacré Cœur La Voix du Nord du 16 mai 1977 et du 27 novembre 2002 Plaquette touristique de la ville de Denain (1987) Mémoires en images Société archéologiques et historique des Amis du musée de Denain édition Alan Sutton, 2001 Rustica n°1123 du 3 au 9 juillet 1991 http://chaine.des.terrils. free.fr

1 - Terri ou terril ? On rencontre les deux orthographes. C’est dans la presse relatant la catastrophe de Courrières en 1906 que l’on a vu pour la première fois l’orthographe “terril”. Les journalistes parisiens avaient demandé aux habitants du secteur comment le mot s’écrivait. Il leur aurait été répondu : « Comme fusil ». (source : magazine Relais Le bassin minier du Nord Pas-de-Calais de 1946 à 1990, édition spéciale, p. 42). 2 - roche non utilisable comme combustible

ci-dessous : des stagiaires de l’ENTE découvrent le terril

Secteur d’étude n°3 Le quartier du Nouveau Monde auteurs : Anne-Lise Autant, Ghislaine Lassenne référents : Cécile Laude, Michel Duchatelle Le quartier du Nouveau Monde, auparavant vaste plaine verdoyante au bord de l’Escaut, a commencé à être peuplé à partir de 1828, après la découverte de houille dans les fosses Villars (1828), Orléans (1832) et Renard (1836). L’implantation de l’industrie sidérurgique va également contribuer à son développement.

1- La mise en valeur et la préservation du patrimoine Les traces de la grande époque de la mine De la grande époque de la mine et de la sidérurgie subsistent quelques vestiges, dans le quartier Nouveau Monde : le terril Renard et la place Baudin, sa salle des fêtes et son église. Le terril Renard Tout d’abord, qu’est-ce qu’un terril ? (1) C’est un amoncellement de roches stériles et de déchets qui, remontés avec le charbon étaient ensuite triés en surface. Les terrils plats sont les plus anciens. Dans le cas des terrils de forme conique (comme le terril Renard), les stériles (2) étaient acheminés sur des rails dans les berlines, hissées par un système de treuil et déversées au sommet. Quelques données physiques à propos du terril Renard (n° T162) : - forme conique ; - environ 90 mètres de hauteur ; - surface au sol de 4,13 ha ; - volume équivalent à 1,24 millions de m3. Le terril Renard, situé à l’ouest de Denain, près de la RN 45, dans le quartier du Nouveau Monde, est né de l’exploitation de la fosse Renard de 1836 à 1948. Il est actuellement entouré par une zone industrielle, un groupe d’habitations, des prairies et des champs. quartier du Nouveau Monde / page 41

Il appartient aujourd’hui à l’Établissement Public Foncier (EPF). Par le passé, le terril a connu plusieurs tentatives de mise en exploitation avant d’être classé monument historique en 1983 puis site naturel en 1989, notamment grâce à la détermination des associations protectrices de l’environnement, du Comité de Sauvegarde et d’Animation des Terrils du Valenciennois et de la Chaîne des terrils. Il est désormais protégé par le classement en Zone d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) et réglementé par un arrêté préfectoral du 7 septembre 1989 de protection du biotope. Le terril ne “fonctionnant” plus, il se laisse conquérir par la végétation et outre quelques mûres très prisées par les riverains, on y retrouve des plantes exotiques dont les graines ont été rapportées par le vent ou déposées par les oiseaux au cours de leurs migrations. Le terril Renard présente une diversité végétale intéressante puisque l’on y a répertorié 88 espèces dont cinq rares. Ainsi, on trouve à ses abords des espèces de champignons, de mousses et de lichens. Sur la partie basse, on dénombre quelques saules blancs alors que le sommet, toujours en combustion, accueille des plantes telles que le galeopsis bifida. En effet, signes que le terril brûle encore, les températures atteintes en surface (entre 40 et 60 °C) favorisent l’installation de plantes thermophiles. Pour ce qui est de la faune, on peut observer plusieurs espèces d’oiseaux dont de nombreux rapaces diurnes, des insectes parmi lesquels le criquet à ailes bleues et le machaon, ainsi que des lézards, crapauds calamites et crapauds accoucheurs qui profitent des zones humides, constituées par d’anciens bassins de décantation ou des zones d’affaissement pour pondre leurs œufs. Il faut en général 70 ans pour qu’un terril soit colonisé par les plantes et les animaux. Après plus d’un demi-siècle d’inactivité, le terril Renard présente déjà les signes d’une complète colonisation, d’où l’intérêt géologique et écologique de cette montagne noire qui reste dépourvue de pesticides ou autres substances chimiques. Une zone de quiétude pour la faune et la flore indigène.

quartier du Nouveau Monde / page 42

Terril conique et pente d’équilibre Des matériaux déversés sur le sol forment d’abord un monticule à base circulaire. Au fur et à mesure que le monticule s’élève, sa circonférence à la base augmente et sa pente, qui croissait au fur et à mesure de la quantité des matières stériles déposées, finit par se stabiliser à une pente dite d’équilibre . Cette pente varie de 30 à 40 % selon la nature du matériau. (source : Gérard Gondet, chef de projet du groupe Infrastructures Transports à l’E.N.T.E. de Valenciennes)

1 - en 1948, l’Union Sidérurgique du NORd de la France (USINOR) regroupe les deux principales forces de la sidérurgie françaises : la Société des forges et aciéries de Denain-Anzin et les Forges et aciéries du nord et de l’est.

La place Pierre Baudin : la salle des fêtes et l’église du Sacré-Cœur Pendant des dizaines d’années, cette place fut le témoin des évènements de la vie des ouvriers et des mineurs. Elle accueillit le marché dès 1927. Au Sud, de la place Baudin se dresse la salle des fêtes. Cette salle colossale fut construite par l’administration de la Société des forges et aciéries de Denain-Anzin au XIXe siècle. Son style s’inspire du Palais de la Paix à La Haye aux Pays-Bas. Constituée de briques et en pierres bleues, elle fut le témoin de la grande époque de la sidérurgie, mais après le déclin d’Usinor (1), elle resta sans entretien et inachevée (pour exemple, les balcons manquent à l’étage). À l’Est de cette place s’élève l’église du Sacré-Cœur. Le quartier se développant de plus en plus, il fut décidé d’y ériger une église. Avant qu’elle fut construite, les sœurs de Saint-Vincent de Paul célébraient l’office dans le couvent, qui abrite désormais l’école des Forges. Dès 1896, la quasi totalité des capitaux fut réunie. La Compagnie des mines d’Anzin offrit le terrain et autorisa la démolition des bâtiments de la fosse Orléans. La Société des hauts fourneaux et forges de Denain fit don d’une somme d’argent importante pour financer les travaux. Une souscription fut lancée en 1900 afin de réaliser le projet. La pose de la première pierre de l’église du Sacré-Cœur a lieu le 11 juin 1901. Sa construction va se dérouler entre 1901 et 1906. Elle sera terminée par la pose d’une flèche de 25 mètres, au sommet du clocher, en 1912. quartier du Nouveau Monde / page 43

Achevée après la loi de séparation de l’Église et de l’État en 1905, l’église n’appartient pas à la commune mais au diocèse qui doit en assurer l’entretien. Le temps faisant son ouvrage, le bâtiment se dégrade, en particulier la toiture. Il est décidé, en 1977, de démonter la flèche pour raisons de sécurité.

ci-dessous : démontage de la flèche ci-dessous, à gauche : l’église dans son état actuel

À proximité, on trouve aussi des habitations ouvragées où logeaient les ingénieurs d’Usinor, un stade (Jean Werth) et l’ancien cinéma Nouveau Monde.

La rénovation des corons préservés Le quartier abrite encore quelques corons représentatifs de l’habitat minier de la fin du XIXe siècle. La cité Renard Tout d’abord, quelques données sur la fosse Renard. Jacques Renard était un personnage important de la Compagnie des mines d’Anzin, la fosse a porté son nom en son honneur. Elle fut ouverte en 1836 et exploitée jusqu’en 1948, plus de 14 millions de tonnes de matière en furent remontés. La fosse était constituée de deux puits, profonds respectivement de 832 mètres (affecté à l’extraction) et 833 mètres (aération et service). Les deux puits furent remblayés en 1953 et le chevalement abattu dans les années 1970. C’est dans cette fosse que descendit Émile Zola en 1884 afin de s’imprégner de la réalité de la mine avant d’écrire son célèbre Germinal. Jules Mousseron, mineur de fond et poète, père de Zeph Cafougnette, y a travaillé durant 46 ans.

quartier du Nouveau Monde / page 44

ci-dessous : la fosse Renard

ci-dessus : plan de la cité Renard

1 - Établissement Public de gestion Immobilière du NORd – PAs-de-Calais

La cité Renard est donc située dans le prolongement de cette fosse et se détaille comme suit : - la rue Le Bret, composée de 49 logements de type jumelé construits en 1878. Ce sont des F4 d’une superficie de 122 m2 chacun ; - la rue Renard dont les 18 logements jumelés datent de 1922. Là aussi, ce sont des F4, leur superficie est de 124 m2. La cité Renard a donc une emprise totale au sol de 24 000 m 2 ce qui fait d’elle la plus grande cité préservée du quartier du Nouveau Monde. La distribution des pièces est la suivante : - au rez-de-chaussée, une salle commune et une pièce (ou chambre) ; - à l’étage, deux chambres mansardées ; - au sous-sol, une cave ; - des dépendances non attenantes comprenant des toilettes, une buanderie et un petit hangar. L’entrée se fait sur le côté dans le jardinet, il n’y a donc pas de problème de vis-à-vis comme dans les premiers corons construits en continu. Aujourd’hui, cette cité est gérée par l’EPINORPA (1) (ancienne SOGINORPA) qui assure notamment la restauration des façades et les aménagements de la rue Lebret et de l’impasse Renard. Les logements sont loués à d’anciens mineurs, des veuves de mineurs et de nouveaux habitants qui n’ont pas connu la mine.

ci-dessus : un exemple de restauration de façade rue Le Bret

La cité Sabatier Comme pour la cité Renard, elle tire son nom d’une fosse : la fosse Le Bret. En effet, initialement, elle s’appelait cité Le Bret (du nom d’un administrateur des Houillères). Au fil du temps, Le Bret a été remplacé par le nom de l’unique rue : la rue Sabatier (du nom d’un autre administrateur). La fosse Le Bret n’a pas été exploitée très longtemps puisqu’elle fut creusée en 1849 et son exploitation cessa en 1868. quartier du Nouveau Monde / page 45

La cité fut construite en 1922. C’est une impasse dont la forme en T a été préservée. Elle est composée de 26 logements jumelés de type F4 d’une superficie d’environ 122 m2. L’emprise au sol est de 11 600 m2. L’organisation des logements est presque la même que dans la cité Renard, excepté en ce qui concerne les dépendances attenantes et constituées d’une cuisine, de toilettes et d’une salle de bain. La cuisine est réellement la pièce principale et le lieu de vie de la maison. On y prépare les repas, on y mange, on y lave le linge dans le baquet à lessive en bois, on y fait sécher le linge au-dessus du poêle. Avant l’installation des douches collectives dans les fosses, le mineur rentrant de son travail s’y lavait, dans un baquet, avec l’assistance de sa femme. Dans ces logements, le prolongement de la maison est le jardin, ancêtre du jardin potager qui constitue une ressource non négligeable pour le foyer du mineur. L’été, entre 20 et 21 heures, toute la famille travaille la terre, avant le repas. Aujourd’hui, la cité Sabatier est gérée par la Société Immobilière de l’Artois qui assure notamment la location des logements, leur entretien extérieur, ainsi que l’entretien des espaces publics.

2 - La reconversion du secteur (1) Du patrimoine de l’époque des mines à sa transformation Présentation des cités Villars, Orléans et Jénart Le canton Villars, construit en 1834, est plus connu sous le nom de “Coron plat”. Né à Moulins en 1653, soldat et fils de diplomate, le duc Claude de Villars fut nommé maréchal sous Louis XIV. quartier du Nouveau Monde / page 46

en haut à gauche : plan de la cité en T ci-dessus : agencement des pièces dans une maison de la cité Sabatier

1 - L EBON (André) Le pays minier au temps de Mousseron (18681943), op. cit. p.85-86

1 - L EBON (André) Le pays minier au temps de Mousseron (18681943), op. cit. p.85-86. 2 - LE MANER (Yves) Du coron à la cité Un siècle d’habitat minier dans le Nord Pas-de-Calais op. cit.

ci-dessus : un coron abandonné de la cité Villars

À la tête de l’armée royale, il remporte la bataille de Denain, le 24 juillet 1712, face à Eugène de Savoie. Une bataille qui sauve le royaume de France. Il accumule les victoires tout au long de sa vie avant de quitter l’armée et de se retirer à Turin où il meurt le 17 juin 1734. À l’origine, le canton Villars est situé entre la rue de Douai et la rue de Bouchain. Il regroupe 92 logements répartis sur dix barreaux de dix maisons alignées par deux bandes continues. Cette architecture répond essentiellement au désir de réduire les coûts de construction (économie de maçonnerie, limitation des ouvertures, chaînage continu pour éviter des affaissements de terrains fréquents dans les zones minières) (1). À cela on doit ajouter quatre maisons plus grandes qui étaient réservées aux “porions”, elles sont détachées de cet ensemble. Jules Mousseron, Eugène Fenzy (voir p. 72) et le général Balambois sont nés dans ce coron. La cité Villars a une emprise au sol totale de 24 000 m². Le logement est de type F4, soit : - au rez-de-chaussée, la salle à manger et la cuisine ; - à l’étage, deux chambres ; - au sous-sol, une cave faisant la totalité de la surface de la maison et qui est divisée en deux. La superficie totale d’une habitation est de 120 m2. Le canton d’Orléans, construit en 1835, comprend alors 106 logements desservis par plusieurs chemins parallèles entre eux et perpendiculaires à la route (rue de Lourches). Il est constitué de blocs de corons, de ruelles, de jardins ouvriers et de fournils (2). La cité a une emprise au sol totale de 36 000 m². Elle fut construiteà proximité immédiate de la fosse Orléans ouverte en 1832, d’où le nom. La proximité du lieu du travail permettait de réduire les déplacements des mineurs.

ci-dessus : plan d’une maison de la cité Villars

quartier du Nouveau Monde / page 47

Le parcellaire est laniéré. Chaque habitation est séparée d’un jardin tout en longueur par un passage collectif de desserte par l’arrière des logements. La séparation du logement et du jardin par un passage est un autre facteur de réduction de l’intimité des logements. L’espace arrière de la maison est ainsi ouvert au regard des voisins (1). L’organisation des logements de la cité est identique à celle de Villars. La cité Jénart a été bâtie en 1852, elle se composait de 24 logements. Elle s’articulait en deux lignes de douze logements contigus chacunes, construites d’un seul côté de la rue. Les logements s’alignaient ainsi le long du chemin qui avait pour unique but de les desservir, c’était un espace semi-public. L’impasse était perpendiculaire à une voie de communication plus importante, la rue Pierre Bériot. La construction en retrait créait une coupure supplémentaire. L’emprise au sol de la cité était de 5 000 m². Le logement se composait de quatre pièces : - rez-de-chaussée : cuisine et salle à manger ; - à l’étage : deux chambres ; - au sous sol : une cave. La superficie de cette habitation était de 122 m².

1 - F ENAERT (Frédéric) Mémoire de maîtrise Industrialisation, croissance démographique et urbanisation : la Compagnie des mines d’Anzin et le denaisis, 1990

ci-dessus : une habitante de la cité à droite : plan de la cité Jénart

Les projets de rénovation élaborés par les Houillères du Bassin du Nord – Pas-de-Calais (2)s’inscrivaient dans un plan à long terme défini à partir d’une évaluation qualitative de chacune de leurs cités et aboutirent au classement suivant pour ces cantons : Villars en 2A*, Orléans en 2B et Jénart en 3**. Mais ils furent rasés pour faire place à de nouveaux bâtiments.

* Catégorie 2 : cités pouvant s’inscrire dans le plan d’aménagement régional moyennant un effort de rénovation à définir cas par cas pouvant porter sur chaque logement et sur la cité dans son ensemble. **Catégorie 3 : cités devant être rasées à plus ou moins long terme mais pouvant servir de base, compte tenu de leur implantation, à de nouvelles opérations immobilières.

quartier du Nouveau Monde / page 48

2 - en 1970, Robert Pierson, inspecteur général au ministère de l’Intérieur rendit son rapport relatif au Transfert aux collectivités locales des voiries et réseaux divers des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-deCalais. Suite à ce rapport, les HBNPC proposèrent un Livret vert en faisant le recensement et fixant les priorités des rénovations grâce à un classement en quatre catégories.

De nouvelles constructions remplacent ces cités Du canton Villars à la résidence Danièle Casanova Les habitations de la cité Villars sont rasées pour laisser place à des constructions plus modernes : la résidence Danièle Casanova (1). Pour la construction de la résidence, deux permis ont été déposés par la Société Immobilière de l’Artois : l’un pour 24 logements et l’autre pour 13 logements. Les travaux ont débuté simultanément pour l’ensemble des logements le 25 juillet 1989. Ils se sont achevés le 15 octobre 1990 (2).

ci-dessus : cité Villars, friche et pose de la première pierr e

Ce sont des maisons individuelles, composées de deux pièces principales. Elles comportent en plus une cuisine, une salle de bain et des toilettes. À chaque logement est adjoint un garage. Ces logements de plainpied sont édifiés par groupe de deux ou trois. Les habitations se différencient cependant par le nombre de chambres qui varient de une à trois (3). Ces logements sont proposés en location mais sont attribués,en priorité, à des candidats pensionnés ou à des veuves de pensionnés de la Société des houillères.

ci-dessus : la résidence Casanova

1 - Danièle Casanova était une résistante, membre des Francs-Tireurs Partisans (FTP). Communiste, elle mourut en déportation. 2 - source : service urbanisme de la mairie de Denain 3 - article lu dans la revue de la Société immobilière de l’Artois, p. 6-7 4 - Portrait de famille article de la Voix du Nord du 08/08/79

De la cité Orléans à l’installation de nouvelles entreprises La destruction du coron Orléans s’achève entre août et septembre 1979. Au fil des années, de nouveaux bâtiments s’édifient et modifient le paysage (4). Des entreprises sont désormais présentes sur le site ainsi que l’atelier de conditionnement Les Pierres blanches, crée par l’Association des Papillons Blancs, a été construit au lieu et place de l’ancien restaurant d’entreprise d’Usinor. Dans la rue du Couvent, le bâtiment qui regroupait à la fois la médecine du travail, la clinique chirurgicale et le couvent a été remplacé par le lycée professionnel des Forges. quartier du Nouveau Monde / page 49

La ruche d’entreprise accueille tous les jeunes créateurs d’entreprises. Le Nord compte huit ruches réparties dans des bassins d’emploi difficiles (1). Leur objectif principal est de rompre l’isolement du créateur d’entreprise, lui donner les bases pour démarrer et l’accompagner dans les deux premières années de son activité. La ruche lui permet de bénéficier de locaux et d’ateliers. De la cité Jénart à un commerce La cité Jénart est détruite pour laisser la place actuellement à une entreprise commerciale. Pour rendre le secteur attractif, la ville de Denain s’est engagée dans plusieurs projets de restructuration et de développement. Une dynamique de renouvellement qui l’entraîne vers un avenir prometteur.

Un avenir prometteur : une ambitieuse politique de restructuration urbaine Depuis 2001, Denain, forte de ses 20 354 habitants, fait partie des sites inscrits dans la procédure Grand Projet de Ville (GPV) du valenciennois 2001-2006, ce qui lui permet de mettre en œuvre des projets de restructuration urbaine pouvant bénéficier de subventions à hauteur de 90 %. Le GPV vise à atteindre deux objectifs (2) : - offrir aux habitants en difficulté des secteurs du valenciennois des conditions de vie normales favorisant leur intégration dans la cité en leur permettant de répondre aux besoins fondamentaux (emploi et logements) ; - rendre aux villes concernées leurs fonctions d’exercice de la vie sociale et de pôle d’activités économiques et de services. quartier du Nouveau Monde / page 50

1 - Le souci de rééquilibrer les bassins d’emploi dans la Voix du Nord du 05/10/2002. Les 8 ruches sont : Armentières, Denain, Douai, Hellemmes, Maubeuge, Roubaix, Saint-Pol-surMer et Tourcoing 2 - le Grand projet de Ville du valenciennois Le renouvellement urbain pour replacer l’homme au cœur de la ville, p.45

1 - www. territoiressites-cites.com/fiches/ 2A_RequalNMoond Denain.htm 2 - Contrat de ville 2000 / 2006, diagnostic territorial, p. 68-73

Avec la Communauté d’agglomération, la ville a engagé une démarche lourde de repositionnement et d’affirmation de son rôle de centralité en entamant une réflexion sur l’avenir de ses quartiers. Dans un premier temps, des études de réaménagement urbain ont été menées à bien sur ces différents quartiers. Le Nouveau Monde, quartier d’habitat étroitement imbriqué dans un tissu industriel en déclin, est aujourd’hui handicapé par une image, peu encline à favoriser un développement urbain et économique qualifiant. La restructuration et le renouvellement du quartier peuvent se décliner autour de plusieurs axes (1) : - valoriser les éléments structurants de l’environnement, le canal de l’Escaut et le terril Renard ; - opérer un désenclavement du quartier en l’intégrant dans l’aire de développement et d’extension du centre-ville ; - développer des fonctions centrales nécessaires à sa renaissance ; - développer sa vocation résidentielle ; - favoriser la mixité sociale de sa population. L’été 2003 a marqué le début de la phase opérationnelle avec le lancement d’études de maîtrise d’œuvre plus précises dans chaque quartier. Les premières opérations programmées, pour le secteur Nouveau Monde, sont : - restructuration de la salle des fêtes municipale ; - aménagement de la place Baudin et de ses environs ; - désenclavement des rues Merrheim et Dussoubs, restructuration de l’école Condorcet ; - premières études sur la restructuration du quartier Basly ; - étude de programmation de la Maison de quartier. Ce dispositif de rénovation urbaine permettra de retrouver une cohésion sociale et de favoriser l’attractivité de ce quartier. L’élaboration du GPV s’est inscrite pleinement dans les travaux préparatoires du contrat de ville. Ainsi, le diagnostic territorial établi en préalable au contrat de ville 2000-2006 propose un schéma d’organisation générale (2) qui vise à articuler le Nouveau Monde au centre ville.

quartier du Nouveau Monde / page 51

Le schéma d’organisation générale permet de dégager 2 approches (1) : - articuler le cœur de quartier à une périphérie à reconstruire : les friches industrielles. Il faut profiter de l’opportunité qu’offre la friche Renard pour aménager un parc urbain intercommunal et rationaliser l’implantation de certaines activités commerciales. Il est nécessaire de restructurer le tissu par une intervention combinée sur l’habitat et les espaces publics ; - la seconde approche concerne le centre ville et son extension, des espaces prioritaires qui permettront de structurer la ville à long terme et valoriseront la périphérie et le quartier du Nouveau Monde.

La reconversion touristique... la seconde vie du terril Renard Reconquis depuis un demi siècle par la faune et la flore, le terril Renard, élément majeur du paysage minier, entame une deuxième vie liée à l’économie du tourisme. Cinq circuits touristiques ont été tracés à Denain. Le parcours pionnier fut, dés 1979, celui du terril Renard, à présent site protégé et classé en Zone Naturelle d’Intérêt Écologique Faunistique Floristique (Z.N.I.E.F.F.) . Le classement et la mise en valeur du Parc naturel d’observation écologique (site de 17 ha du terril Renard) ont été justifiés par la présence d’une faune et d’une flore tout à fait exceptionnelles, répertoriées comme zone et espèces de niveau de valeur nationale et internationale. Le terril, reconquis par la faune et la flore, est devenu un lieu de promenade protégé, une aire de détente et de nature. Il est possible d’y observer le machaon, le lézard des murailles, des orchidées. Avec le temps et à l’abri des activités de l’homme, le terril est devenu un refuge pour de nombreuses espèces menacées de la région et un lieu d’enrichissement de son patrimoine biologique. L’originalité de ces milieux permet l’implantation d’espèces originales et exotiques pour la région. Le terril est le témoin de l’histoire de la région et de l’activité minière. Il offre un potentiel pédagogique très important d’un point de vue historique et biologique. quartier du Nouveau Monde / page 52

1 - Contrat de ville, diagnostic territorial, p. 70

Principale source bibliographique Cette partie est largement inspirée d’un ouvrage de référence dont la lecture est indispensable : L E MANER (Yves) Du coron à la cité. Un siècle d’habitat minier dans le Nord – Pas-deCalais 1850-1950 , op. cit. Les citations en italique en sont extraites.

1 - L AUR (Francis) Les mines et les usines en 1889, imprimerie P. Dupont, 1890 2 - le coron désigne un alignement de maisons édifié par les compagnies minières pour loger les mineurs. Appelé aussi “barre”.

Secteur d’étude n°4 Le secteur Turenne auteurs : Christine Mauger, Nathalie Meurisse, Christian Le Calvé référents : Jean-Marie Stawikowski

1- L’habitat minier et son évolution (1) Les formes de l’habitat Entre 1825-1870, seule forme existante de l’habitat minier, construit le long d’une route nationale ou perpendiculairement à une rue menant à une fosse, le coron (2) “type Anzin” est formé de plusieurs blocs de maisons basses accolées, dont la largeur dépasse fréquemment les 100 m. Les blocs consistaient soit en des enfilades simples, soit doubles, de 60 à 80 maisons, réduites à 20 ou 10 après 1850. Pour en finir avec la promiscuité et l’insalubrité du coron, on créé les cités pavillonnaires. L’apparition d’un habitat monofamilial coïncide avec la décision d’exclure les femmes de tout travail au fond des mines. C’est un moyen de fixer des familles solides et fécondes, noyau stable de la communauté. Entre 1870 et 1905, la transition du coron à la cité pavillonnaire se fait par regroupement des maisons par blocs de 8, 6 puis 4 (en carré) et enfin deux maisons mitoyennes entourées de jardins. L’accroissement de la surface occupée et la création d’une voirie contribuent à accentuer la ségrégation spatiale entre l’habitat minier et l’habitat rural, les cités forment dès lors des unités isolées, volontairement séparées des villages. Les cités pavillonnaires sont issues d’une double évolution : l’augmentation de la surface habitable (à Anzin, de 33 m² pour le “type 1837” à 105 m² pour le “type 1867”) accompagnée d’une diminution du nombre moyen d’habitant par logement (à Anzin, de 5,6 en 1881 à 4,7 en 1913), ainsi qu’une adaptation de l’habitat à la taille des familles. « Habiter une maison des mines a été très vite considéré comme un privilège, d’une part en raison de la qualité relativement bonne des logements construits après 1870 et, d’autre part, à cause de la modicité de loyers ». Le logement est un instrument de fixation de la main d’œuvre dans un contexte d’embauche tendu, autant qu’une tentative de réponse à la mobilité des ouvriers.

secteur Turenne / page 53

Dès 1880, l’orientation des maisons est prise en compte, ainsi que le volume d’air des pièces et la surface vitrée. Il s’agit dès lors d’isoler la famille minière et de développer l’individualisme familial. L’augmentation de la superficie des jardins, de 200 m² vers 1870 à 500 m² (10 × 50 m) vers 1900, permet l’aération de la structure de l’habitat. Cette évolution de la surface de l’habitat répond à trois critères : en 1810, la législation fait la distinction entre la propriété de la surface et celle du soussol avec des conditions avantageuses pour cette dernière. L’extension des travaux souterrains multiplie les affaissements et augmente le chapitre du budget destiné à l’indemnisation des propriétaires de surface. Grâce au contexte de la crise agricole, la Compagnie des mines d’Anzin achète des terrains à bas prix, constituant dès lors un vaste domaine afin de maîtriser la spéculation foncière en “gelant” des milliers d’hectares. Durant la décennie 1860, on va uniquement faire de l’habitat pavillonnaire après qu’on ait observé des mouvements de terrain sous les corons en ligne. La bonne santé financière, due à une progression en volume du bénéfice net des Charbonnages pendant l’âge d’or, de 1895 à 1914, ainsi que la rationalisation croissante des techniques de construction permettent de multiplier la surface par trois (10% du coût total de la construction). « La cité induit un émiettement de la communauté, un renforcement de l’individualisme, une atomisation de la masse ouvrière ». Les pratiques paternalistes étaient ouvertement affichées par la Compagnie des mines d’Anzin. On voit alors apparaître les cités-jardins, entre 1905-1939, par souci urbanistique et architectural. De linéaire, la voirie devient courbe, avec des trottoirs, l’ajout d’arbres, la création de squares et de jardins (potager à l’arrière, d’agrément côté rue). L’appropriation des maisons se fait par des efforts esthétiques : maisons décorées, colombages en béton, volets battants à barres et écharpe (1), toit en accent circonflexe ou à quatre pans. Mais également par l’utilisation de matériaux nouveaux : béton armé précontraint (pour les planches, escaliers, clôtures…), parpaings de scories, chaussées macadamisées sur le modèle britannique. secteur Turenne / page 54

1 - ci-dessous : les lames verticales sont consolidées par les barres horizontales et l’écharpe en diagonale

Dans les corons, l’entrée principale des maisons, est surélevée d’une marche en calcaire, un matériau connu sous le nom de pierre bleue de Tournai ou coccolithe.

Dans le règne animal, le groupe des coccolithophoridés est constitué d’algues unicellulaires de très petite taille entourées d’une coquille de calcaire appelée coccosphère. Ce sont ces dernières qui forment des roches calcaires, après la mort de l’individu, par accumulation au fond de l’eau. ( h t t p : / / w w w. p i e r r e s hommes.com) ci-dessous : aspects de l’ornementation architectonique

1- LE MANER (Yves) Du coron à la cité. Un siècle d’habitat minier dans le Nord – Pas-deCalais 1850-1950 , op. cit.

En 1909-1910, la “municipalité ouvrière” de Denain installe l’eau potable et le tout-à-l’égout dans ce qui est devenu une ville de 22 000 habitants. Chaque groupe de maisons posséde alors une borne-fontaine, mais l’eau courante ne sera installée progressivement qu’à partir des années 40. Pour la première fois l’urbanisme minier est pris en charge par des cabinets d’architectes et n’est plus réalisé par les ingénieurs de la compagnie. Après 1918, de nombreuses cités provisoires sont construites : baraquements en tôle demi-lunes, chalets en bois…La reconstruction rapide entraîne un changement d’échelle passant d’une taille moyenne de 400 à 1 000 maisons. Le caractère aéré et verdoyant des “villages miniers” est renforcé. Des maisons semblables aux chalets sont construites, ornées de frises en briques polychromes plaquées, aux fenêtres cintrées. La voirie bénéficie alors d’un éclairage électrique. La gestion de l’habitat (1) Au début du XIXe siècle, Denain n’est encore qu’un modeste village d’agriculteurs bâti dans un pays de marais. La misère ambiante n’est pas faite pour favoriser l’enracinement des mineurs venus de Vieux-Condé qui, pour la plupart, sont propriétaires de leur petite maison et améliorent leurs moyens d’existence en cultivant. Ce confort relatif est perdu lorsqu’ils sont mutés à Denain : à cette époque, on ne se déplace qu’en diligence, il ne peut être question de rentrer chez soi tous les soirs. Il faut vivre sur place en dehors de sa famille et se loger chez l’habitant, ce qui n’était pas commode. En 1826, les premiers arrivants ne se logèrent qu’à grand peine. Dans l’espoir d’améliorer un peu le sort des mineurs de Denain, l’inspecteur Mathieu part en guerre contre la spéculation qui se dessine autour des maisons qui commencent à se construire. « Les habitations que la compagnie bâtit à Denain, écrit-il en 1839, ne doivent pas être considérées comme un objet de spéculation, mais comme une chose de première nécessité ». Réduire de 78 à 48 francs par an le loyer des maisons doit contribuer à augmenter le bien-être des mineurs et par conséquent à rendre leur séjour à Denain plus agréable. L’inspecteur Mathieu va jusqu’à proposer de dédommager les ouvriers des frais qu’ils supportent pour s’installer dans cette commune. secteur Turenne / page 55

Bon diplomate, il laisse toutefois entrevoir que ce progrès est immédiatement rentable. Avec une politique de salaires et de logement, le personnel de Denain se stabilise. Il n’y a aucune volonté d’encourager l’accession à la propriété, mais la Compagnie des mines d’Anzin tente cependant l’expérience entre 1867 et 1878 en vendant des maisons isolées avec jardin, par retenue sur le salaire, mais sans grand succès. Le coût d’une maison est à l’époque de 3 à 5 fois le salaire annuel d’un abatteur (1). Après 1869, elle s’essaie à un prêt sans intérêt. En 10 ans, 529 maisons sont acquises sur 1 820 logements (soit 29 %). Il semble que les nouveaux propriétaires se sentaient moins dépendants de la compagnie qui pourtant les employaient et devenaient moins enclins à en accepter la discipline. Il arrivait aussi qu’une maison vendue soit détournée de sa fonction d’origine et devienne une boutique ou un cabaret. Le prix de revient de ces maisons, vers 1880, est d’environ 2 850 F dans lesquels le terrain compte pour 250 F. Les conditions sont relativement favorables puisqu’on trouve la brique et la tuile sur place, en revanche, la main d’œuvre y est assez chère. Voici un petit aperçu du coût de la vie vers 1900... Nourriture ..90 % du budget familial L’économie réalisée en cultivant le jardin et une parcelle d’une dizaine d’ares est évaluée à environ la moitié du salaire de l’ouvrier de jour (40 % pour l’ouvrier de fond). Loyer (coron) ............................ 66 F / an Salaire moyen / an ........................................................ 1613 F pour un mineur de fond ........................................................ 1175 F pour le travail au jour Loyer en 1903 dans le valenciennois ......................... de 5 à 7 F 50 / mois secteur Turenne / page 56

1 - avec le hercheur, le boiseur et le bowetteur, l’abatteur est un des ouvriers de la mine. Celui-ci a pour tâche de détacher des blocs de charbon de la veine à l’aide d’un outil : au pic d’abord et beaucoup plus tard au marteau-piqueur pneumatique

1 - Houillères du Bassin du Nord et du Pas-deCalais 2 - lu dans le magazine Relais, numéro spécial 1946-1990, p.145

Louis Champy, directeur général de la Compagnie des mines d’Anzin, formule l’enjeu le 23 octobre 1912 : « On attire et on ne retient les ouvriers qu’en les logeant...Les besoins de bien-être deviennent plus grands, les jeunes ménages n’acceptent guère de vivre sous le même toit que les parents ». Mais la compagnie envisage en 1912 d’expulser de ses cités les mineurs retraités dont les fils travaillent dans la métallurgie. Elle renonce à appliquer cette disposition trop impopulaire mais impose le doublement des loyers. La menace d’une expulsion du logement guette les grévistes, mais elle demeure rare dans les faits. Le 30 octobre 1922 : « On ne peut plus développer les effectifs qu’en logeant les ouvriers ; cette nécessité apparaît de toute évidence lorsqu’on fait appel à la main d’œuvre étrangère. Le logement apparaît comme un puissant moyen de stabilisation et comme un moyen indispensable si l’on ne veut pas déchoir ». La concurrence fait rage entre les compagnies : le changement de fosse est aisé, en contrepartie de privilèges particuliers ou d’avantages salariaux. La demande ouvrière est cependant toujours supérieure à l’offre patronale. L’attribution des logements vacants va, dans l’ordre de priorité : à l’ouvrier de fond, au mineur marié et au “bien-pensant”. Après la nationalisation du bassin minier, les HBNPC (1) créent le 24 juin 1952 la Société Immobilière du Nord (2) pour permettre à de nombreux foyers d’accéder à la propriété (ce sera le cas pour 2 000 mineurs entre 1952 et 1967). La Société Immobilière de l’Artois poursuit la construction de maisons individuelles de 1973 à 1991.

2- La toponymie du secteur Origine des noms de rues Rue Turenne Henri de La Tour d’Auvergne (1611-1675), vicomte de Turenne, reçoit le titre de maréchal général des camps et armées du roi en 1660. Rue Mathilde Mathilde Bonaparte (1820-1904), princesse Deminof, fille de Jérôme Bonaparte, nièce de Napoléon et cousine germaine de Napoléon III. Son influence rayonnait dans les milieux culturels et littéraires. secteur Turenne / page 57

Rue Napoléon Napoléon Bonaparte (1769-1821), sacré empereur des français le 2 décembre 1804. Rue Lambrecht Nom d’un administrateur de la Compagnie des mines d’Anzin, en 1829. Rue de la Marne ; Rue de la Meuse Impasse de la Somme ; Rue de l’Yser Ces rues portent les noms évocateurs de paisibles rivières du nord de la France, théâtres de sanglantes batailles au cours de la 1ère guerre mondiale.

Origine des noms de fosses Fosse Turenne (créée en 1828 - fermée en 1887) Seconde fosse de Denain. Hommage discret à l’ancien Régime qu’il était alors de bon ton d’honorer, ce qui ménageait la susceptibilité du pouvoir établi sans nuire aux convictions de Casimir Périer alors à la tête de la Compagnie des mines d’Anzin et président du 3e gouvernement de la monarchie de juillet, dont l’appartenance à l’opposition libérale ne pouvait certes pas faire obstacle au choix de ce nom glorieux. Fosse Mathilde (créée en 1831 - fermée en 1859) Cette fosse cessa d’exister le 10 mai 1863. Après que les machines furent récupérées, on transforma les bâtiments de surface en logements. Mais, devenus insalubres, ils ont été démolis en 1959. Fosse Napoléon (créée en 1833 - fermée en1864) Jeune garçon, Bonaparte s’est rendu dans la ville de Denain. Sur place, il a dessiné les plans de la célèbre bataille de 1712. Alors que la littérature s’emparait de lui, que l’imagerie populaire le déifiait, les Périer, patrons impitoyables mais libéraux en politique et attachés aux conquêtes de la Révolution, ne pouvaient faire moins que lui rendre hommage. Sans aller jusqu’au fanatisme, les dirigeants de la Compagnie des mines d’Anzin n’en espéraient pas moins que son patronage fut favorable au succès du nouveau siège d’extraction...

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ci-dessus : des plaques en fer rouillé, derniers témoins de l’apogée de la Compagnie des mines d’Anzin, côtoient des plaques de rue contemporaines

1 - c’est la compagnie qui fournit gratuitement le chauffage à ses ouvriers . La compagnie accorde à ses 659 employés des allocations de chauffage, les médicaments au prix de revient et le logement ou une indemnité de location à ceux qui sont mariés. La compagnie possède 102 maisons de chefs ou d’employés, deux maisons sont affectées à l’administration et 30 à des services spéciaux. La surface totale occupée par les carreaux des fosses de la compagnie est de 131,68 ha. Les constructions représentent 1,79 ha.

3- Typologie de l’habitat Vers 1880, la C ie des mines d’Anzin propose un habitat composé de maisons d’un étage avec comble. Elles sont bâties en ligne ou groupées par deux là où le terrain a moins de valeur. Dans le premier cas, les portes débouchent sur la rue, le jardin est derrière la maison. Dans la seconde configuration, l’avant-cour s’interpose entre le seuil et la rue et on accède au jardin en faisant le tour du logement. Il y a un puit par groupe de 16 maisons. Les maisons sont mitoyennes. Toute en briques, sauf deux chaînes en pierre aux encoignures : une porte et deux fenêtres, une corniche aux chevrons pendants, une toiture en tuiles creuses et une modeste cheminée montée en briques dépassant le faîtage. L’ornementation ne prend point de part à ces constructions, seul le nécessaire est fait. Une cave voûtée est creusée sous une partie de la maison, elle élimine l’humidité du sol. On y descend par un escalier de quelques marches, un soupirail assure l’aérage et l’éclairage. Le rez-de-chaussée se compose de deux salles, l’une orientée vers la rue l’autre sur le jardin. Elles font office de cuisine et de chambre à coucher. La porte d’entrée donne sur un tambour, d’où part l’escalier qui monte à l’étage où il y a deux autres “chambres”. Cette disposition est adoptée afin que le mineur, de retour du travail, puisse faire sa toilette à l’étage où se trouve une modeste pièce et un grenier. Toute la maison est chauffée par une cheminée ou par le poêle du rez-de-chaussée, dans la pièce principale (1). Le principe de la salle à usage unique n’existe pas encore. La pièce principale, polyvalente, est ouverte sur la rue et consacrée à la vie familiale. Situé aux abords de l’habitation, le jardin potager joue un rôle économique de premier plan dans le quotidien domestique d’une famille de mineur. On cultive aussi dans des jardins ouvriers qui s’étendent aux confins de chaque cité, des lopins de terre de 3 à 4 ares. Ce “carreau de terre” est géré par le garde des mines qui attribue la parcelle.

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Types et années de construction des cités concernées (1) Modèle

Année de construction

Surface habitable

Quantité

Type 1906 à 2 demeures avec dépendances derrière

1907

F4 - 141 m²

10 maisons jumelées R-d-c.+1

Type 1-1913 Pinson à 4 demeures Type 3-1913 à 2 demeures

1922

F4 - 145 m²

16 semi-continues R-d-c.+1 2 semi-cont. R-d-c.+1

Chalet 1906 à 2 demeures avec dépendances derrières Type 1922-1923 à 2 demeures avec dépendances derrière

1923

F4 - 126 m²

50 Jumelées R-d-c.+1

Type 1922-1923 à 4 demeures

1923

F4 - 126 m²

24 Jumelées R-d-c.+1

Anciennes écuries

1925

F4 - 108 m²

5 Semi-continues R-d-c.

42 Jumelés R-d-c.+1

Soient 149 logements sur une superficie de 85 000 m².

Nombre d’habitants en 1931 (2) Maisons

Habitants

Étrangers

Rue Mathilde

44

184

34

Rue Napoléon

32

217

40

Rue de la Marne

18

102

19

Rue de la Meuse

31

187

88

Rue de Turenne

20

107

0

Cité Turenne

204

931

275

en moyenne : 4,5 Habitants/maison

4- Topographie historique du secteur (3) Il est à noter, dans ce secteur, l’absence d’habitat minier durant la période d’exploitation des fosses (d’après le cadastre de 1851 et 1861), les premières constructions n’apparaissent qu’à partir de 1907. Depuis leur construction, ces habitations n’ont subi que très peu de modifications. La réhabilitation de la cité Turenne n’interviendra qu’à partir des années 80. secteur Turenne / page 60

1 - Enquête urbaine, HBNPC, groupe de Va l e n c i e n n e s ( C H M 3367) Centre historique minier de Lewarde 2 - Guide des Houillères du Nord et du Pas-deCalais, 1936 3 - pour la méthodologie, voir C. Altewei : Topographie de la ville de Wissemburg, université Marc Bloch, Strasbourg

Cadastre de 1810 Le secteur est entièrement constitué de parcelles agricoles. Le chemin d’Escaudain à Denain (rue de Turenne), le chemin de l’actuelle rue de Lambrecht et le chemin de l’actuelle rue Mathilde. Ci-dessous, plan d’après le cadastre de 1898 Les fosses Mathilde, Turenne et Napoléon sont représentées ainsi que les fours à coke, le four à chaux, les bâtiments des écuries, le terril. Cependant, il n’y a pas eu d’habitat pendant l’exploitation des mines.

secteur Turenne / page 61

Cadastre de 1931 Les habitations des rues Napoléon, Mathilde, Turenne, la Marne, la Somme, impasse de la Meuse et celles au sud de la rue de l’Yser sont construites. Des habitations sont construites sur l’emplacement des anciennes écuries. La fosse Napoléon et deux bâtiments de la fosse Turenne ont disparu. La centrale électrique est construite entre 1898 et 1931.

Plan des années 1970 Une maison à 2 demeures disparaît rue Mathilde, entre les numéros 18 et 24. Une maison à 2 demeures (côté ouest) disparaît de la rue de Turenne, les bâtiments de la fosse Turenne ont disparu. secteur Turenne / page 62

Cadastre de 1984 Réhabilitations importantes : des dépendances sont construites entre les maisons pour le type 1922-23 à 4 demeures, sur l’arrière pour les maisons de type 1906 à 2 demeures, type 1922-23 à 2 demeures et chalet 1906 à 2 demeures. Des garages sont construits à l’emplacement de la maison disparue entre les numéros 18 et 24, ainsi qu’au début de la rue Mathilde. Quatre maisons sont construites, rue de Turenne, en reprenant le style des maisons du secteur. La cité voit des bâtiments d’habitations supplémentaires annexés.

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5- Archéologie industrielle Le quartier Turenne a connu une grande période d’activité minière à partir de 1828, date d’ouverture de la fosse Turenne, la plus ancienne du secteur mais aussi celle qui fermera le plus tard (1889). Dans les années qui suivirent son ouverture, deux autres fosses furent creusées, Mathilde et Napoléon, qui participèrent, elles aussi, à la prospérité de la Compagnie des mines d’Anzin. De ce passé industriel glorieux, il reste encore aujourd’hui quelques traces historiques : un terril et des bâtiments industriels (carreau de la fosse Mathilde, centrale électrique de Turenne) témoins d’un monde disparu mais toujours présent dans les esprits et le cœur de la population (1).

Historique du secteur (2) Cette partie se propose de retracer l’historique des fosses du secteur à l’époque de leur exploitation, ainsi que des bâtiments dont il ne subsiste rien aujourd’hui. L’ouverture des fosses du secteur Turenne débute dans les années 1830, onze puits sont construits, suivis de trois autres dans les années 1850. Mais déjà, au milieu des années 1850, neuf puits sont fermés et un seul sera ouvert entre 1885 et 1895.

Nom des Fosses

Creusement

Extraction

Mathilde

1831

Napoléon

1831

1833

Turenne

1828

1830

Fin d’exploitation

fermeture

1862

1863 1864

1887

1889

La fosse Turenne L’avaleresse (3) Turenne fut ouverte le 11 août 1828. La 1 ère veine de 1 m 15, baptisée Mark, fut atteinte à moins 73,60 m. Dans les 100 premiers mètres, deux autres veines furent découvertes, baptisées Périer et Eugénie. En 1829, le manège à chevaux fut remplacé par la machine d’extraction à vapeur de Constantin Périer. Au début des années 1830, le développement de l’exploitation fut freiné par les travaux préparatoires (approfondissement du puits, pompage de l’eau) et la pénurie de personnel (épidémie de choléra en 1832, émeute de 1833). secteur Turenne / page 64

1- Description de l’organisation d’une fosse Le service des travaux du fond à la tête duquel est placé un ingénieur en chef, comprend cinq ingénieurs divisionnaires (résidant à S t Vaast, Abscon, Denain, Thiers, VieuxCondé) et un ingénieur du matériel attaché au service central (chaque fosse est dirigée par un ingénieur relevant directement de l’ingénieur divisionnaire). Le service des travaux du jour ayant à sa tête un directeur en chef, réalise les travaux neufs et les travaux d’entretien, gère les ateliers et le matériel du jour (salle de la machine à vapeur et plus tard son chevalement, les ateliers d’entretien, la lampisterie...), les dépôts de charbon et de bois, les lavabos et les bureaux, les ateliers de lavage et de carbonisation, les usines à agglomérer les charbons et les services de la voie et de la traction du chemin de fer. La direction de chacune de ces branches est confiée à un ingénieur spécial relevant du directeur en chef. 2 - d’après la note descriptive sur la compagnie rédigée à l’occasion de l’Exposition universelle en 1878 (CHM 2062) 3 - modification du terrain suite à l’activité d’une industrie extractive. En France jusqu’au XVIII e , le terme “avaleur” désigne le mineur qui creuse dans les mines. À Liège, en Belgique le verbe “avaler” signifie creuser en descendant, approfondir.

ci-dessus : l’ancienne fosse Turenne creusée en 1828

1 - la gaillette est un bloc de charbon brut 2 - le grisou est le gaz contenu dans le charbon. Inflammable, inodore et incolore, il est surtout composé de méthane. (source : site internet des Charbonnages de France) Dans les galeries où s’affairaient les mineurs, lorsque la teneur en grisou dans l’air constituait entre 6 % et 15% de l’atmosphère, il y avait risque d’explosion, ce qu’on appelle le coup de grisou. La réaction en chaîne consumait la quasi totalité de l’oxygène, le souffle expulsait le reste d’air et toute chose qui se trouvait sur son passage hors du puits, créant un vide d’air dans les galeries. En quelques secondes, les gaz toxiques issus de la combustion du grisou envahissaient alors les galeries sans oxygène, transformées en fournaise. Les mineurs qui tentaient d’échapper à la mort inhalaient malgré eux ces gaz brûlants, véritables poisons qui les étouffaient et les consumaient de l’intérieur. L’onde de choc provoquait des éboulis, les charpentes en bois s’effondraient. De ce véritable enfer, peu de mineurs en réchappaient : ceux qui survivaient à l’explosion, à l’asphyxie et à l’onde de choc se trouvaient face au péril des nappes de charbon qui s’étaient embrasées. La seule solution pour la compagnie des mines était alors d’inonder les galeries.

En 1833, la jonction se fit avec les fosses Napoléon, Mathilde et Villars. En 1834, la fosse était dotée de cages d’extraction pouvant ramener 4 berlines de 400 L à chaque cordée et d’une machine d’extraction de 30 cv. En 1860, la fosse constituait alors avec son lavoir et ses fours à coke l’un des complexes industriels les plus importants de l’époque. En 1863, la production annuelle était de 68 091 tonnes et on atteignit le niveau le plus bas d’extraction en 1864 à 466 m. Après une première interruption de l’extraction en 1869 pour mesure économique, elle reprit en 1872 car les ressources des étages 349, 410 et 466 estimées à 22 000 000 quintaux laissaient espérer une production de 100 000 tonnes par an pendant environ 20 ans. Ce qui se confirma progressivement dans les années suivantes. Le prix de revient resta néanmoins élevé mais il était compensé par les produits gailleteux (1) qui amélioraient la valeur commerciale des charbons de Denain. Le grisou (2) à teneur élevé fit son apparition en 1852 et amena le développement des ventilateurs centrifuges. La fosse Mathilde, déjà raccordée à Turenne, le fut ensuite avec Bayard, afin que le ventilateur que l’on y avait installé puisse aérer de conserve ci-dessus : vue sur le bâtiment de la fosse Mathilde, devenu une habitation Mathilde et Turenne. La présence de grisou rendait l’exploitation de plus en plus dangereuse, le gisement, très accidenté était de plus en plus difficile, les veines s’amincissaient sans arrêt (ouverture moyenne de 0,47 m) et le prix de revient devenait prohibitif avec la confection des remblais et l’entretien onéreux des galeries d’aérage.Turenne acquit aussi la réputation d’un puits maudit avec deux coups de grisou qui se soldèrent par des morts (1865 et 1883). On cessa progressivement l’exploitation des veines pour arrêter définitivement en 1889. Aujourd’hui, il ne reste rien des bâtiments si ce n’est une plaque de fonte qui marque l’entrée du puits remblayé en 2000, au sein d’un espace herbeux. D’après les plans, les bâtiments ont disparu entre 1970 et 1981. secteur Turenne / page 65

La fosse Napoléon L’ avaleresse fut ouverte en août 1833 et l’extraction put commencer en 1835 (6 909 tonneaux pendant le premier semestre). Les liaisons d’aérage furent établies avec Turenne. En 1840, la fosse Napoléon est le plus productif des sites d’extraction, devant les fosses Marie-Louise (- 87 et - 101 m), Joséphine (- 101 et - 115 m), Casimir (- 115 m) et Mark (- 132 m). Les mineurs arrachaient un excellent charbon à coke de ses quatre veines principales. L’essor de la fosse fut cependant freiné par la pénurie de personnel, ceci dès l’ouverture. Étant installée à l’extrémité ouest de Denain, le recrutement de ses herscheurs (1) se faisait en majorité parmi la population d’Escaudain. Les mineurs d’un temps repartaient dans leur village pour la saison de la fabrication du sucre, car Escaudain était à l’époque un centre important de production. Néanmoins, on continua d’approfondir le puits jusqu’à -231 m et à exploiter intensivement les veines. En 1847, la fosse se situe en bonne place (51 962 tonneaux (2) en 1847 ; 53 000 en 1851) et dispose des quatre veines les plus rentables (Président, Périer, Mark et Marie-Louise). Cependant, dès 1854, le mouvement d’émigration vers le Pas-de-Calais où l’on recrutait pour un meilleur salaire, fit fléchir la production (40 259 tonneaux en 54) qui repartit de plus belle en 1856 avec l’exploitation de la seule veine Président (59 633 tonneaux) aux dépens des autres, moins rentables. En 1856, la veine Président fit la jonction avec les fosses Casimir, Renard et Turenne. La suppression du foyer d’aérage de Turenne, survenue après qu’on ait établi des liaisons entre les fosses pour aérer les galeries avec le ventilateur de Bayard, fut le point de départ de la concentration dont fut victime la fosse Napoléon : cernée par Turenne et Renard, elle était condamnée. On cessa d’y extraire le charbon le 1er août 1864. Il semble que le bâtiment de la fosse Napoléon existait encore en 1959 et ce jusqu’en en 1969 (3). Les salles des machines ont servi d’habitations qui, devenues insalubres, furent probablement détruites dans les années 1970. Cependant, le plan de la ville dressée en 1931 par Paul Bourgoin, géomètre expert, ne le représente pas. secteur Turenne / page 66

ci-dessus : la fosse Napoléon, photographiée avant 1912

1 - ouvrier qui charge à la pelle le charbon dans les berlines 2 - un tonneau = 978 kg soit presque une tonne 3 - lu dans la revue Chantiers, juin 1969

Les écuries

ci-dessus : la surface du terrain vague correspond approximativement à la zone que recouvraient les écuries 1 - carbonisation à haute température. Chauffage de combustible bitumineux en l’absence d’air à haute température (supérieure à 900°C), en vue d’extraire les produits de décomposition gazeux et liquides, de sorte que l’on obtient du gaz de four à coke (gaz de cokerie), du coke de haute température et du goudron de haute température. (http://www.grand dictionnaire.com) Le coke est indispensable à la sidérurgie. Dans les hauts fourneaux, il joue le rôle de réducteur, fixe l’oxygène du minerai de fer et libère le métal : la fonte, pourra devenir de l’acier après une opération supplémentaire. (Lumière sur la mine, septembre 1956)

ci-dessus : les fours à coke de Turenne

Elles se situaient rue Mathilde, à quelques mètres de l’ancienne fosse Turenne et sont déjà représentées sur le plan cadastral de 1851. Malheureusement, il n’en reste rien aujourd’hui. Avant l’apparition du terrain vague, les écuries avaient été remplacées par des baraquements détruits à leur tour entre 1970 et 1990, qui servaient d’habitations aux ouvriers. Actuellement, le terrain est inexploité. La fosse Turenne avait son écurie qui servait de refuge aux chevaux travaillant à la surface. Ces chevaux actionnaient la machine d’extraction jusqu’en 1829. Par la suite, ils servirent à tirer les wagons le long de la voie ferrée qui reliait les fosses avec le rivage de Denain. L’ Escaut représentait un grand atout pour Denain, les puits sont donc ouverts de préférence près du fleuve, pour faciliter le transbordement. L’ acheminement se faisait d’abord par charroi, ce qui nécessite le pavage des routes empruntées à cause du poids et du nombre de transports. En 1830, la Compagniedes mines d’Anzin lance un programme de construction de voies ferrées à Denain, en 1833 la première ligne relie les fosses Bayard, Turenne et Villars à la gare d’eau. La croissance de la production entraîne la mise en place d’un réseau ferré local qui draine le charbon vers le port fluvial de Denain (avec également un embranchement pour la fosse Napoléon).

Les fours à coke Les gisements denaisiens sont constitués de charbon gras propice à la cokéfaction (1) et sont donc particulièrement destinés à l’industrie. La Cie des mines d’Anzin a longtemps employé des fours à coke, dits “fours belges”. Les nouveaux fours inventés par l’ingénieur Evence Coppée permettent de transformer en coke un mélange de charbon gras et demi-gras, dans lequel la proportion de ce dernier atteint près de 50 % d’où une sérieuse économie. Au sud du chemin d’Escaudain, 80 fours à coke sont disposés côte à côte, donnant l’impression d’une longue maison basse à couverture plate. secteur Turenne / page 67

On y défourne pour la première fois en 1863. Chaque four fait 1 m 50 de hauteur pour une longueur de 9 m et une largeur de 45 cm. Une porte en fonte, garnie de briques réfractaires et lutée (1) extérieurement avec de l’argile, est ouverte aux deux extrémités du four. Le ciel du four est percé d’un orifice qui sert à l’enfournement du charbon. Avant d’être introduit dans le four à coke, le charbon doit être broyé et entièrement mélangé. On peut enfourner jusqu’à 3 000 kg de charbon, la durée de la cuisson est de 24 h. La température à l’intérieur du four atteint 850 à 900 °C : les briques de la structure du four résistent à 1 100 °C sans trace de vitrification. Les fours sont bâtis au milieu d’un quai séparé en deux parties égales. L’un des quais reçoit le charbon défourné et l’autre porte une voie, parallèle aux fours, sur laquelle circule la “défourneuse”, une machine à vapeur poussant le coke aggloméré hors du four. Une fois sorti, des ouvriers le frappent de loin avec de longs pics en fer tandis que d’autres l’aspergent d’eau. Quand le coke est refroidi, il est chargé dans des wagons qui abordent au quai. Ces fours ont aujourd’hui complètement disparus, sur leur emplacement se trouve un musée ferroviaire.

1 - bouchée hermétiquement

Le four à chaux Il se situait le long de l’ancien chemin d’Escaudain à Denain (devenu la rue Turenne), entre les fosses Turenne et Napoléon, faisant face aux fours à coke (d’après le cadastre de 1898). Un four à chaux est un ouvrage de maçonnerie où l’on fait cuire le calcaire pour obtenir de la chaux. On produisait de la chaux vive en chauffant des pierres calcaires à 1 000°C dans un four alimenté au bois et au charbon. Après plusieurs jours, on y ajoutait de l’eau pour produire la poudre de chaux éteinte. La chaux servait à désinfecter mais aussi à améliorer la terre acide des champs, blanchir les murs et fabriquer du mortier.

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ci-dessus : extrait du cadastre de 1898

1 - le terril est un amoncellement de roches stériles et de déchets remontés des galeries en même temps que le charbon. On peut distinguer trois types de terrils : - les terrils plats, généralement les plus anciens : de 100 à 300 m de long pour 10 à 30 m de haut, soit un volume total d’environ 1 million de m3 ; - les terrils coniques qui sont typiques des zones agricoles et urbaines : leur hauteur est inférieure à 100 m et leur rayon est compris entre 100 et 200 m pour un volume allant de 1 à 3 millions de m3 ; - les grands terrils modernes qui proviennent des différents puits d’extraction et dont la hauteur peut culminer à 150 m.

6- Les vestiges de l’activité minière On a recensé dans ce quartier trois vestiges de l’activité minière de l’époque plus ou moins bien conservés : un terril (1), une centrale électrique et les bâtiments de la fosse Mathilde.

Le terril Le terril de Turenne est de forme conique. Au début de l’exploitation minière, les terrils renfermaient une grande quantité de charbon car les méthodes de tri n’étaient pas suffisamment efficaces pour séparer correctement les roches stériles du charbon. Après la seconde guerre mondiale, un procédé technique basé sur le lavage des matériaux a permis de récupérer la quasi-totalité de ce charbon. Certains terrils sont presque complètement stériles, mélange de schistes et de grès carbonifères, ce sont des blocs compacts très durs auxquels s’ajoute une proportion variable de charbon. Le schiste noir est un matériau très utile qui, après la combustion, se transforme en schiste rouge. Il est alors exploité comme revêtement pour la voirie - routes, autoroutes - ou les surfaces de terrains de sport (exemple : terre battue de terrain de tennis). Beaucoup d’autres terrils sont composés d’une bonne quantité de terre sur laquelle des plantes dites “pionnières” ont poussé. En effet, quelques décennies après le dépôt des résidus miniers, la colonisation végétale peut commencer. Celle-ci varie en fonction de la température, de l’environnement du terril, de sa composition et de sa pente. Sur le terril Turenne, seules les essences locales ont pu se développer ; en effet, l’absence de combustion lente ne permet pas l’apparition de variétés exotiques, contrairement au terril Renard. Celui-ci, même s’il n’est distant que d’une centaine de mètres, présente un biotope particulier . Il faut préciser que ce site n’a jamais été exploité car les matériaux qu’il contient étaient jugés impropres par la Société des houillères. Au total, le Nord – Pas-de-Calais compte 265 terrils, soit un volume total estimé à 700 millions de m3 de matériaux qui, s’ils étaient étalés uniformément sur le Bassin minier, en élèveraient le sol d’environ 40 cm !

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Une vingtaine de ces terrils appartient à des propriétaires qui en assurent l’exploitation touristique ou industrielle, 129 ont été acquis par l’Établissement Public Foncier du Nord – Pas-de-Calais et 102 sont encore à vendre. De nos jours, quiconque peut acheter un terril, même si la priorité est accordée aux collectivités. Bien qu’à l’époque de la fermeture des mines, la politique fût d’effacer les traces de l’exploitation minière, les terrils sont dorénavant reconnus et respectés en tant que patrimoine historique mais aussi pour leur intérêt écologique, à la fois floristique et faunistique. Ils constituent un “poumon vert” au sein d’une région par endroit fortement urbanisée et sont devenus de vrais terrains d’études et de conservation. Le terril Turenne s’est donc élevé progressivement durant la deuxième partie du XIXe siècle. Aujourd’hui, il se présente sur deux niveaux et a fait l’objet, durant la seconde moitié du XXe siècle, d’un aménagement paysager de la part de la Société des houillères. Ainsi, les marches d’un escalier en bitume structuré par des traverses de chemin de fer furent creusées, des barrières en bois imputrescibles furent posées et l’éclairage électrique fut installé (il a disparu depuis). Un bac à sable pour les enfants a été construit au 2e niveau. Des arbres ont été plantés pour masquer la “noirceur” du sol : peupliers d’Italie et autres essences, surtout des résineux. Le reste de la végétation est apparu naturellement. Le terril a été vendu à la ville par la Société des houillères, pour le franc symbolique, en 1980. Un appariteur (1) fut chargé pendant quelques années de la surveillance du lieu puis, laissé à l’abandon, le terril se dégrada peu à peu : les lampes et les barrières furent endommagées ou volées. Aujourd’hui, la municipalité s’efforce de réhabiliter le site, elle en assure l’entretien. Les peupliers d’Italie et le gros végétatif qui menaçaient de tout cacher ont été coupés afin de dégager la vue. Désormais, c’est un espace aménagé en parc de promenade qui offre depuis son sommet une vue imprenable sur une partie de la ville.

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1 - garde assermenté

Pour finir, des projets d’aménagement urbains sont à l’étude parmi lesquel l’ajout d’un trottoir le long de la rue qui longe le terril - la rue Mathilde - afin d’assurer aux piétons une entrée sécurisée dans la cité ou encore engager un nouvel agencement esthétique du terril.

La centrale électrique de Turenne

ci-dessus : le bâtiment en brique 1 - une centrale thermique utilise la chaleur dégagée par l’inflammation de combustibles fossiles (fuel, gaz, charbon). La chaleur ainsi produite permet de vaporiser de l’eau, la vapeur est détendue dans une turbine. Sous cet effet, la dite turbine entraîne un alternateur qui génére l’énergie électrique. Finalement l’eau passe dans un condenseur où elle est refroidie au contact de tubes dans lesquels circule une eau froide issue de la mer, d’une rivière ou d’un circuit de réfrigération atmosphérique. 2 - H ARDY-H ÉMERY ( Odette) Industrialisation du valenciennois

La centrale électrique et les exploitations minières étaient dépendantes les unes des autres. L’électricité alimentait les systèmes de sécurité de la mine (ventilation, machine d’extraction) et le charbon alimentait la centrale thermique. Toute centrale thermique dispose d’une chaudière qu’il faut alimenter en combustible pour chauffer de l’eau. La vapeur dégagée actionne une turbine qui, selon le principe du dynamo, transforme l’énergie mécanique générée en électricité (1). Il existait deux centrales électriques sur la concession de la Compagnie des mines d’Anzin, celle de Turenne à Denain et celle de Thiers, au nord de Denain. La centrale alimentait les fosses et l’usine Cail, fournissant également l’électricité pour l’éclairage de la voirie. Son activité ne s’est pas arrêtée avec la fermeture des mines, elle n’a cessé de fonctionner qu’au milieu du XXe siècle. Les archives ayant disparu, la date de construction des bâtiments qui la composent n’est pas connue. On peut néanmoins supposer que l’un des bâtiments, en brique, date de la fin du XIXe siècle. L’autre, en béton armé, du début du XXe siècle. La centrale thermique fut modifiée de 1929 à 1931 en vue d’exploiter des pressions élevées : la puissance développée dépassait de 2,7 fois celle de la centrale Crépin (2 900 kW) en 1944 (2). La centrale électrique de Denain est le dernier exemplaire de ce type qui existe dans le nord de la France. Construite dans l’esprit de l’époque, qui voulait que les ouvriers travaillent dans un espace agréable, l’architecture d’inspiration classique, mèle charpente en poutres métalliques, carreaux de faïence verts et blancs, moulures, rosaces en stuc, et énormes fenêtres qui inondent la salle de lumière. secteur Turenne / page 71

Deux pilastres encadrent la porte d’entrée. La centrale électrique subsiste de nos jours à l’état de ruines, les machines ont été enlevées ou détériorées et la décoration intérieure a subi les ravages du temps. Les deux bâtiments sont utilisés comme entrepôts.

La fosse Mathilde L’exploitation du charbon à la fosse Mathilde débuta en 1831 et s’acheva en 1863. Elle était attenante à la voie ferrée Paris - Valenciennes. De telles fosses sont devenues des monuments d’exception car on n’en a répertorié que trois en Europe : la fosse Mathilde, celle de Vieux-Condé et une en Rhénanie (ces deux dernières sont en ruines, celle de Denain est la mieux conservée d’Europe). L’avaleresse Mathilde fut ouverte le 15 juillet 1831. Elle fut d’abord creusée à bras d’hommes jusqu’à 13 mètres de profondeur puis la “machine à feu” actionnant une pompe de 15 pouces prit la relève. À - 103 mètres, on trouva une veine qu’on baptisa Président. Les bâtiments définitifs furent alors construits et on installa une machine d’extraction de type Edward. On creusa par la suite jusqu’à -178 mètres où on trouva deux autres veines.

En 1837, la fosse produisit environ 22 000 t (39 582 tonneaux) de charbon qu’elle arracha de trois veines : Président à -105 m, Edmond à -155 m et Gailleteuse à -178 m. Ce qui fit de Mathilde la fosse la plus rentable de Denain. La veine Président fut vite épuisée et l’on creusa dans les années suivantes jusqu’à -303 mètres (veine Zoé) pour chercher d’autres veines. La machine d’extraction d’origine fut remplacée à deux reprises par des machines plus puissantes durant cette période. La dernière, en 1855, permettait la circulation du personnel qui put alors remonter les 303 mètres autrement que par les cheminées ou les échelles. Malgré cette modernisation, la fosse ne progressa guère car le gisement était pauvre. secteur Turenne / page 72

1 - le chevalement est une grande tour en poutres métalliques par laquelle passent les câbles des ascenseurs servant au transport des mineurs, du charbon ou du matériel.

Parmi ceux qui ont contribué à la modernisation des conditions de travail dans les mines, il faut citer Eugène FENZY (Denain 1871 - Arras 1947), illustre Denaisien, inventeur du premier appareil respiratoire français contre les gaz et l’inflammation des poussières dans les galeries de mines. En 1890, il est élève de l’École des mines (alors École des maîtresmineurs) de Douai. Il est contrôleur pour la Compagnie des mines d’Anzin dès 1898. En 1905, il s’installe à Arras où il travaille pour l’Organisme de contrôle des mines de l’État. En 1906, il est chargé de la coordination des secours puis de l’enquête suite à la catastrophe de Courrières qui fit plus de 1000 morts. Cet évènement tragique est le déclic qui lui fait prendre conscience de la nécessité, d’abord d’organiser des services de secours efficaces, ensuite de mettre au point un appareil respiratoire autonome. Pour en savoir plus : Bulletins n° 0, 1 et 2 de la Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain

La machine à vapeur de type Newcomen Sur le site de la fosse Napoléon, on peut apercevoir un bâtiment de forme hexagonale surmonté d’un axe vertical. Le 20 Août 1829, la machine d’extraction Constantin Périer a remplacé le manège à chevaux de la fosse Turenne. On peut penser que celle-ci servait à remonter le charbon du fond de la mine, mais était-ce vraiment le cas ? On se souvient des problèmes techniques posés par le “Torrent”, lac souterrain qui a retardé les débuts de l’exploration de la concession d’Anzin. La machine d’extraction Constantin Périer était en fait une machine d’extraction à vapeur destinée au pompage de l’eau, de type Newcomen, améliorée par JacquesConstantin Périer. Elle fut utilisée pour la première fois en 1803 à la fosse du Vivier à Fresne. Ces machines ont fonctionné jusqu’en 1845. Elles furent ensuite remplacées par les machines verticales, type Watt, d’importation anglaise. On peut supposer que la tour hexagonale n’est autre que la chaudière de la machine atmosphérique de Newcomen.

Malgré la réorganisation méthodique de la compagnie sous la direction de la famille Périer, la production du charbon stagna en 1823. Une telle stagnation au début du XIXe siècle, qui vit la naissance de l’ère industrielle, était de mauvaise augure. L’incapacité de répondre à la demande du marché provoqua l’importation des charbons belges sur le marché français qui, s’il n’y avait pas eu de douanes, eut été entièrement submergé. Sous peine de courir à la ruine, la Compagnie des mines d’Anzin devait donc réduire leur prix de revient et produire suffisamment de houille grasse pour soutenir la concurrence. Sur le plan technique, il fallut surmonter certains obstacles dont le “Torrent”, un lac souterrain et explorer le sous-sol de la concession d’Anzin, jusqu’alors fort peu connu. Le 26 juin 1826 un des sondages évita les sables aquifères et se prolongea dans le houiller où il découvrit une veine plate, recoupée à Denain.Une dernière veine fut trouvée à - 338 mètres (Le Bret) et même si l’extraction pouvait encore se prolonger trois ans, la compagnie la ferma en 1862 car jugée trop déficitaire. Le puits fut conservé pour accroître le puissant courant d’air qui activait les ventilateurs de la fosse Bayard. Il fut comblé progressivement et clos en 1863, les machines furent récupérées et certains des bâtiments de surface furent transformés en logements. Aujourd’hui, même s’il manque la cheminée qui devait servir à l’aération, les murs d’époque en briques du pays sont encore en place. La façade la plus ancienne est celle orientée au sud. Devant, donnant sur rue Mathilde, au 1er étage, se trouvait la salle des compresseurs. En haut de la rampe d’accès, la salle de triage. Sous cette rampe se trouvaient deux sorties par où remontait le résultat de l’exploitation sousterraine. Ce monument est actuellement une habitation (voir p. 65). On peut encore voir sur ses arêtes, en façade, de la pierre bleue ouvragée sur le pignon et des assises en grès et aussi en pierre bleue. Des annexes furent ajoutées derrière le bâtiment (d’après les plans entre 1931 et 1984).

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CONCLUSION Par Jean-Marie Stawikowski, président de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain

Comme nous l’avons vu, le territoire de Denain reste doté d’un riche patrimoine industriel. À cet héritage vient s’ajouter le patrimoine culturel, dont l’écrivain Jules Mousseron est probablement le représentant le plus connu. Il nous était impossible de conclure cet ouvrage sans nous intéresser à cet homme de lettres qui, dans ses écrits, relate avec tant de force la vie quotidienne des gens de la mine(1). 1 - biographie et notes rédigées d’après un texte de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain.

C

E FUT LE 1ER JANVIER

1868, dans le quartier Villars de Denain, dit le “coron plat”, que nacquit, au sein de l’humble ménage du mineur François Mousseron, son 3e fils que l’on prénomma Jules. Enfant timide et chétif, Jules Mousseron débuta comme galibot précisément à l’âge de douze ans et un jour. Il venait de terminer ses études primaires. Deux ans plus tard son père mourut et la gêne s’installa au foyer. Assoiffé de savoir, l’adolescent suivait les cours du soir après ses dures journées de travail. Il y découvrit les auteurs classiques dont les œuvres constitueront ses livres de chevet. Il rencontra celle qui devint sa femme, l’inspiration de ses premiers vers. Après un court séjour au 43e de ligne à Lille, il fut réformé et revint à Denain où il se maria. De cette union très heureuse nacquirent trois enfants. Jules Mousseron s’essaiera d’abord à l’écriture de poèmes en français, dont certains paraîtront dans des revues locales. En 1898, son œuvre prendra un tournant décisif. Julien Renard alias André Jurénil, homme de lettres et historien local, lui conseillera de composer en rouchi, patois issu de la langue romane du moyen-âge. C’est pour le mineur poète une révélation. Il se lançera avec succès dans cette voie. Conclusion / page 75

De 1898 à 1943, il publia ainsi une dizaine de recueils de poèmes dans lesquels il contribue à mieux faire connaître le monde de la mine, la dignité et la noblesse du métier de mineur. Dans la lignée des conteurs populaires du moyen âge, il est le père de Cafougnette, le “Marius” du Nord. On retrouve dans certaines bonnes histoires dont il est le héros, la franche gaieté, l’esprit facétieux et un peu gaulois des denaisiens, héritiers des traditions d’un riche passé. Jules Mousseron est ainsi le poète des mœurs populaires du Pays Noir, de la famille et de l’enfance mais également de ceux qui souffrent, vieux et jeunes, victimes du sort, de la société ou de la guerre. Parmi ses ouvrages, l’un d’eux tient ainsi une place un peu particulière : celui qu’il écrivit clandestinement durant la première guerre mondiale, alors qu’il assistait, impuissant, à l’occupation allemande.

BIBLIOGRAPHIE Recueils de poèmes Fleurs d’en bas (1897) Croquis au charbon (1898) Feuillets noircis (1901) Coups de pic, Coups de plume (1904) Au pays des corons (1907) Éclats de gaillettes (1913) Les boches au pays noir (1919) La terre des galibots (1923) Les fougères noires (1926) Autour de terris (1929) Mes dernières berlines (1933) Dans nos mines de charbon (1946) Monologues

Profondément humain, le poète profita de sa notoriété pour apporter son concours bénévole afin de soulager la misère. C’est ainsi qu’il organisa des “soirées bachiques” destinées à recueillir des fonds ou participa à des galas de bienfaisance pour secourir les familles des victimes de la catastrophe de Courrières (voir p. 41 et 72). Renouant avec la tradition orale des trouvères et troubadours, Jules Mousseron récita ses œuvres jusque sur les scènes de l’Opéra Comique et du Châtelet. On le vit aussi en Belgique, en Sarre, en Suisse, la presse s’en faisait l’écho jusqu’en Italie, en Angleterre et même aux États-Unis. Son talent fut finalement récompensé par les plus hautes distinctions. Déjà officier d’Académie et officier de l’Instruction Publique, l’ancien galibot fut promu chevalier de la Légion d’honneur en 1936. En 1939, il assista de nouveau aux misères de l’exode. Le 24 novembre 1943, celui qui fut la voix d’un métier et d’un pays, Jules Mousseron, s’éteignit. Avec lui disparaissait non seulement un écrivain authentique qui honorait sa cité et sa classe sociale, mais aussi un être bon qui fit honneur à sa condition d’homme.

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Souvenir d’une excursion en Suisse (1907) Cafougnette à Paris (1927) Cafougnette à Ostende Cafougnette à Bonsecours Cafougnette garde champêtre Voyage à Paris et à Versailles

REMERCIEMENTS Nos remerciements vont à ceux qui ont rendu possible ce Projet de fin de session : M. Charles BERNIER ; M. Jean-Marie BOUL ANGER ; M. M ichel DUCHATELLE ; Mlle Paule LAINE Mme Céline LAUDE ; M. Alain LERAY ; M. Jean-Marie STAWIKOWSKI et l ’ensemble des membres de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain. Nous tenons également à remercier pour leur aide durant cette étude, la municipalité de Denain et plus particulièrement : M. Patr ick LEROY, mair e de la ville de Denain ; Mme Solange TONINI, 1ère ajointe ; M. Bernard JASKOWIAK , directeur des services techniques ; M. Frédéric FENAERT, responsable du service Politique de la ville ; Mme D ominique LEROY, directr ice de la médiathèque de Denain ; M. Édouard CARON, conservateur du musée de Denain. M. Tadeusz JABLONSKI , de l’arrondissement de Valenciennes de la DDE du Nord. Mmes Laure BERNIER et Léocadie REICH pour leurs précieux témoignages. Mme Agnès P ARIS, conservatrice et M. Gérard DUMONT du Centre Historique Minier de Lewarde. M. J osé WALOCHA, président directeur général de la S.A. Nord Entr etien, propriétaire de l’ancienne centrale électrique Turenne. Mme Caroline BIENCOURT des Archives diocésaines de Cambrai. M. Mar c KASZYNSKI, directeur et M me Colette FLAMANT, sécrétaire génér ale de l’Établissement public foncier de la région Nord – Pas-de-Calais (EPF-NPDC). M.P ierre JACOT, directeur de l’agenc e d’Aniche de Maisons & Cités EPINORPA-SOGINORPA. M. Alfonso Di GIULIO. M. Alfred DESPRES. Conception graphique de la couverture et de la mise en page, illustrations, rédaction des notes connexes (p. 8, 10, 22, 41, 42, 54, 65, 71, 72) et révision de la maquette : M. Éric PAILLART, graphiste de l’ENTE de Valenciennes. Correction de texte : Mme Catherine DEBIEVE M. Franck MUNDUBELTZ M. Éric PAILLART M. Jean-Marie STAWIKOWSKI

Les membres de la Société archéologique et historique des Amis du musée municipal de Denain. De gauche à droite : M. Charles BERNIER, Mlle Paule LAINE M. Jean-Marie BOULANGER, M. Alain LERAY, M. Jean-Marie STAWIKOWSKI Mme Céline LAUDE et M. Michel DUCHATELLE

Remerciements / page 77

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ICONOGRAPHIE PRÉFACE photo : ENTE / cellule communication AVANT-PROPOS p. 1 - dessin : ENTE / cellule communication / Éric Paillart p. 6 - photo : ENTE / cellule communication PREMIÈRE PARTIE p. 7 - plan : stagiaires ENTE p. 8 - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP p. 9 - carte postale : musée municipal de Denain - photo du bas : ENTE / cellule communication / ÉP p. 10 - photo du haut : stagiaires ENTE - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP p. 12 - plans : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 13 - plan : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 14 - photos : stagiaires ENTE p. 15 - photo : stagiaires ENTE - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP p. 16 - photos : stagiaires ENTE p. 17 - plan : ENTE / cellule communication / ÉP p. 18 - plan : ENTE / cellule communication / ÉP - photo du bas : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 19 - photo du haut : musée municipal de Denain - photo du bas : stagiaires ENTE p. 20 - photo : stagiaires ENTE p. 21 - plan : ENTE / cellule communication / ÉP - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP p. 22 - photo : stagiaires ENTE - schémas : ENTE / cellule communication / ÉP DEUXIÈME PARTIE p. 28 - photos : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 29 - carte postale et photo : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - photo du bas : stagiaires ENTE p. 30 - photos du haut : stagiaires ENTE - photos du bas : Bruno Masetty p. 31 - photo du haut : stagiaires ENTE - photo du bas : Bruno Masetty p. 32 - photos : stagiaires ENTE p. 33 - photos : stagiaires ENTE p. 36 à 39 - plans : stagiaires ENTE TROISIÈME PARTIE p. 41 - photo : ENTE / cellule communication p. 43 - dessins : ENTE / cellule communication / ÉP p. 44 - photo du haut, à gauche : stagiaires ENTE - photo du haut, à droite : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - photo du bas : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 45 - plan : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - photos : stagiaires ENTE p. 46 - plan : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - schémas : ENTE / cellule communication / ÉP p. 47 - photo du haut : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - schémas : ENTE / cellule communication / ÉP - photo du bas : musée municipal de Denain p. 48 - photo : musée municipal de Denain - plan : ENTE / cellule communication / ÉP p. 49 - photos du haut : musée municipal de Denain - photo du bas : stagiaires ENTE p. 50 - dessins : ENTE / cellule communication / ÉP p. 52 - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP Iconographie / page 79

QUATRIÈME PARTIE P. 54 - schéma : ENTE / cellule communication / ÉP - photo du haut : ENTE / cellule communication / ÉP - photo du bas : stagiaires ENTE p. 56 - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP p. 58 - photo : stagiaires ENTE p. 59 - schémas : ENTE / cellule communication / ÉP p. 61 - plan : ENTE / cellule communication / ÉP p. 62 - plans : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 63 - plan : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 65 - photo du haut : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain - photo du bas : stagiaires ENTE p. 66 - photo : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 67 - photo du haut : stagiaires ENTE - carte postale : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 68 - plan : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain p. 71 - photo : stagiaires ENTE p. 72 - dessins : ENTE / cellule communication / ÉP p. 73 - carte postale : Société archéologique et historique des Amis du musée de Denain CONCLUSION p. 75 - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP REMERCIEMENTS p. 77 - photo : ENTE / cellule communication ICONOGRAPHIE p. 80 - dessin : ENTE / cellule communication / ÉP Plan général des secteurs d’étude : ENTE / cellule communication / ÉP

École Nationale des Techniciens de l’Équipement Établissement de Valenciennes 11, rue de Roubaix - BP 217 - 59305 Valenciennes Cedex Téléphone : 03 27 23 73 00 - Télécopie : 03 27 23 73 73

Iconographie / page 80

PROJET DE FIN DE SESSION L’évolution du patrimoine minier à Denain des débuts à nos jours L’École Nationale des Techniciens de l’Équipement a pour mission de base la formation initiale des agents de la catégorie B du ministère (Techniciens supérieurs et Secrétaires administratifs), des techniciens de collectivités territoriales (Ville de Paris) et des techniciens étrangers au titre des accords de coopération (Institut spécialisé des travaux publics d’Oujda au Maroc). Une formation modulaire généraliste prépare à l’exercice de métiers variés au service de l’État voire d’autres collectivités. Pour les secrétaires administratifs, appréhender le domaine de l’aménagement permet d’aborder, de façon transversale les champs de l’habitat, de l’urbanisme et de la politique de la ville. En 2003, l’objectif était d’étudier - avec l’appui de données, de visites, de revues de presse, d’entretiens avec des acteurs locaux - sur un territoire, une thématique précise.L’exercice s’est organisé autour de l’analyse du patrimoine minier de la Ville de Denain. Venus de toute la France, nos stagiaires ont été accueillis par la Société Archéologique et Historique des Amis du Musée Municipal de Denain qui les a guidés durant leurs recherches. Le présent ouvrage est l’aboutissement de cette immersion.

Denain, la ville du charbon - ISBN 2-11-095466-3 Dépôt légal : premier trimestre 2005 - Distribution gratuite

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